Architecture

Une loi règle désormais l'intervention des architectes.

La loi sur l'architecture est adoptée lors de la session d'automne du Parlement et promulguée le 3 janvier 1977, après de nombreuses péripéties et des années de tergiversations (un premier texte fut voté en 1973 par le Sénat). Régis par la loi du 31 décembre 1940, qui créait l'ordre et réglementait le port du titre, les architectes demandaient depuis longtemps qu'on protège aussi leur mission. Ils l'ont obtenu (en partie) avec ce nouveau texte, qui déclare, dans son article 1er, l'architecture « d'intérêt public », et fixe les règles d'intervention des architectes suivant la nature des constructions.

Droit de regard

L'intervention de l'architecte est obligatoire pour toutes les constructions... sauf pour les maisons de moins de 250 m2, les bâtiments agricoles (jusqu'à 600 m2) ou artisanaux construits par un particulier pour lui-même. Les maisons industrialisées ou sur catalogue, dont l'usage se généralise, doivent être exclues de cette dispense. Cependant, la définition (par décret) d'une procédure de contrôle est particulièrement délicate.

Dans les cas où la loi impose l'architecte pour la conception du projet (immeubles collectifs, bâtiments publics, usines, entrepôts, bureaux, etc.), elle n'impose pas son intervention (et sa rémunération) comme architecte d'opération, mais elle lui accorde un droit de regard sur la suite donnée à son projet.

Malgré un aspect corporatiste (elle assure un privilège à une profession), la loi intéresse le grand public. Dans les cas où les particuliers ne sont pas tenus de prendre un architecte, ils ont néanmoins accès, dans chaque département, à la consultation gratuite d'un « conseil architectural », composé de jeunes architectes et supervisé notamment par les élus locaux. La loi donne deux ans à l'administration pour mettre en place ces organismes, sous forme d'associations.

Moindre mal

En fait, des cellules d'assistance architecturale existent déjà dans de nombreux départements depuis quelques années. Dans les parcs naturels, dans quelques départements pilotes (Lot, Savoie, Corse) ou touristiques (Alpes-de-Haute-Provence, Vendée, etc.), ces groupes donnent des conseils pour construire une maison en respectant les traditions locales ou régionales, afin d'obtenir (sinon de l'architecture de grande qualité) un moindre mal pour les sites.

Des plaquettes de conseils ont été éditées un peu partout ; le ministère de l'Équipement qui dispose d'architectes consultants essaie de développer cette sensibilisation du public, et le secrétariat d'État à la Culture patronne des opérations de pédagogie à plus longue haleine. Les expériences déjà lancées (et la loi elle-même) hésitent entre l'examen des dossiers de permis de construire (un coup de tampon sur un formulaire) et une action pédagogique d'envergure (apprendre au public à voir l'architecture et à ressentir un besoin d'harmonie). C'est pourtant là que résiderait tout l'aspect novateur d'un texte qui, par ailleurs, a un intérêt strictement d'organisation professionnelle : organisation de l'ordre et élargissement des modes d'exercice de la profession (sociétés civiles et commerciales, salariat, etc.).

Rapports

L'ordre et les syndicats sont satisfaits de ce texte, qui confère aux professionnels de nouveaux privilèges. D'autres estiment, au contraire, que la loi ne réforme rien et qu'en épargnant les mécanismes de production de la construction elle n'a aucune chance de permettre une meilleure architecture. Lors de la discussion au Parlement et dans les débats provoqués dans la profession, deux sujets notamment ont été souvent abordés : la médiocrité de l'architecture commandée par les pouvoirs publics ; la dégradation de l'enseignement de l'architecture. Sur ces deux sujets, le gouvernement dispose de propositions d'experts. Mais aucune décision n'a été prise :
– l'enseignement de l'architecture. Comment assurer des débouchés à 13 500 étudiants (2 000 diplômés par an), alors qu'il y a, dans le même temps, 8 000 architectes en exercice ? Comment relever le niveau des études et mieux les adapter aux contraintes économiques de la société actuelle ? Ces questions restent pour l'instant sans réponse.
Le rapport de la commission Narbonne (du nom du conseiller d'État qui la présidait) a été remis au secrétariat d'État à la Culture. Le rapport Narbonne proposait plusieurs mesures relativement sévères, comme la sélection des étudiants à la fin de la première année et une organisation plus rigoureuse des études : établissement d'un programme national (au lieu de laisser toute latitude aux unités pédagogiques issues de la réforme de 1968), élaboration d'un statut des enseignants, organisation des équivalences avec d'autres disciplines, etc. ;
– la commande publique. Quand l'Administration prétend améliorer la qualité de l'architecture, on lui reproche souvent de ne pas commencer par améliorer l'architecture de ses propres bâtiments, pour lesquels elle est maître d'ouvrage. La question est examinée dans le second rapport, rédigé par Claude Cornuau, chargé de mission au ministère de l'Équipement. Le système actuel encourage la routine et la médiocrité par l'appel, dans chaque ministère, à un nombre restreint d'architectes agréés et par la généralisation des modèles. L'exemple des CES industrialisés est tristement significatif de ces pratiques.