On va voir, enfin, qu'aux plans politique, éthique et spirituel, la présence du protestantisme n'a pas été vaine dans un monde qui lui ôte et lui rend à la fois sa spécificité : le monde œcuménique.

Œcuménisme

Après des siècles de haine et de guerres, puis des essais de rencontres, enfin un changement profond de climat, l'essentiel de l'année œcuménique 1975-76 aura été le retour universel de toutes les Églises à la vocation missionnaire et évangélisatrice, selon une vision nouvelle et commune.

Mais avant de parvenir à la synthèse de ces retours, qui aura été le grand événement de l'année, la Ve Assemblée générale et septennale du Conseil œcuménique des Églises (COE) à Nairobi, au Kenya, il importe de rappeler quelques faits significatifs qui vont, eux aussi, dans le même sens.

Conseil œcuménique

Créé à partir de trois mouvements : Foi et Constitution (théologie), créé par Charles Brent en 1914, le Christianisme pratique, créé en 1913 par Nathan Soderblom, et le Conseil international des missions, constitué en 1910 à Edimbourg, le COE tient, tous les sept ans, une assemblée générale chargée d'élire un comité central et de définir la politique à venir du COE. Les assemblées : Amsterdam (1948), Evanston (1954), New Delhi (1961), Upsal (1968).

Bible

Le premier fait significatif aura sans doute été la présentation à Notre-Dame de Paris de la TOB (Traduction œcuménique de la Bible), commencée voici plus de dix ans, avec le concours de dizaines d'exégètes catholiques, protestants, orthodoxes et juifs. Le premier livre traduit fut celui qui créa, dans le passé, le plus de difficultés : l'Épître de Paul aux Romains. Il fut alors présenté au public dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. Or, en novembre 1975, le Nouveau et l'Ancien Testament étant terminés, la Bible entière aura été remise aux représentants qualifiés du catholicisme, du protestantisme et de l'orthodoxie, lors d'une cérémonie unique dans la cathédrale de Paris. Désormais, comme c'est déjà le cas pour le Notre Père, les chrétiens ont la même Bible. D'autant que, depuis lors, plus de vingt traductions œcuméniques ont été entreprises dans le monde. L'originalité première de cette TOB, c'est que les passages bibliques difficiles font l'objet de notes communes aux trois grandes confessions

Un autre fait, lui aussi français, aura été l'entrée de l'orthodoxie dans l'Association des services d'information chrétienne (ASIC). En 1961 était créé un service hebdomadaire d'information protestant, destiné à la presse francophone. En 1971, soit dix ans plus tard, l'épiscopat français s'associait à ce service protestant en créant un service catholique et en permettant la réalisation d'un troisième service commun. En 1975, enfin, le Comité interépiscopal orthodoxe d'Europe occidentale et de France entrait, lui aussi, dans cette association. Il s'agit donc là d'un cas encore unique au monde, dans le domaine de l'information.

Dialogues

Aux niveaux continental ou international, les faits significatifs sont si nombreux qu'il serait vain de vouloir seulement les évoquer tous. Signalons cependant les nouveaux dialogues bi- ou multilatéraux, nés cette année, comme entre orthodoxes et anglicans, entre baptistes et réformés ou entre coptes et catholiques. Signalons aussi l'entrée de l'Église orthodoxe bulgare dans la Conférence des Églises européennes et la création d'un groupe mixte de dialogues entre cette conférence et le symposium des conférences épiscopales catholiques d'Europe, avec comme coprésidents Mgr Etchegaray, nouveau président de la Conférence épiscopale française, et le pasteur André Appel, président de l'Église de la confession d'Augsbourg d'Alsace et de Lorraine et vice-président de la Fédération protestante de France.

On peut aussi parler des multiples interventions communes aux catholiques et aux protestants de divers pays, surtout quand ils sont membres, comme dans près de vingt pays, d'un Conseil chrétien : intervention lors de la condamnation à mort de Basques par le général Franco, peu avant sa longue agonie, intervention à propos du Proche-Orient, de l'Angola et des divers points chauds du monde. On peut encore rappeler que c'est dans le cadre de l'Année sainte catholique qu'aura été célébré le 10e anniversaire de la levée des anathèmes réciproques entre Rome et Constantinople ou qu'aura été commémoré, à Ratisbonne, le 1 650 anniversaire du Concile de Nicée, convoqué en l'an 325 par l'empereur Constantin Ier.