Et si les Églises ont adopté des positions semblables à l'égard des sectes, notamment la secte Moon, aux États-Unis comme en Europe, il ne semble pas qu'il se soit produit de faits œcuméniques significatifs dans le domaine éthique. Bien que la majorité du peuple croyant réagisse de façon similaire devant les morales nouvelles des jeunes générations, l'attitude des responsables d'Églises et celle des théologiens paraissent encore irréductibles. Cela n'empêche pas ces mêmes jeunes générations d'affluer dans les centres spirituels, et non pas seulement dans les sectes, où ils se sentent admis. C'est ainsi que la Communauté cénobitique de Taizé aura multiplié ses sortes de miniconciles de jeunes dans le monde entier ; le dernier en date s'est tenu à Douala, en Afrique.

Un autre fait significatif de maturation culturelle et, dans un certain sens, de retour aux sources, aura été l'accroissement spectaculaire des relations entre la chrétienté et les autres croyances ou idéologies. C'est à la fin de Vatican II (1965) que l'Église catholique et le COE entreprirent de rencontrer (enfin) les autres croyants. Ce fut timide et difficile au début. Mais, en 1975-76, les colloques se sont multipliés avec le judaïsme, le bouddhisme, l'hindouisme et avec d'autres religions.

Le dernier contact officiel aura eu lieu à Tripoli (1er-6 février 1976) entre catholiques et musulmans, tandis qu'à l'assemblée du COE, à Nairobi, les représentants désignés de ces autres religions auront même élaboré avec les chrétiens des Recommandations, ce qui ne s'est jamais vu dans toute l'histoire. Il s'agit là d'un élargissement singulier de l'œcuménisme, dont la motivation profonde est, sans conteste, la prise de conscience spirituelle de l'ensemble des croyants devant les menaces de ce temps.

Les conséquences, loin d'être la stérilisation de l'évangélisation chrétienne, seront, d'une part, de rendre bien dérisoires les divisions subsistant entre chrétiens et, d'autre part, d'obliger chaque religion, christianisme compris, à retrouver sa propre substance et à en vivre.

Nairobi

Le grand événement œcuménique de l'année aura donc été la Ve Assemblée du COE à Nairobi (23 novembre-10 décembre 1975), Jésus-Christ libère et unit était son thème central, d'autant plus actuel et risqué qu'il devait être débattu dans un continent millénairement asservi par les puissances dites « chrétiennes ». Les milliers de délégués, observateurs, invités, journalistes, désignés par 300 Églises de plus de 100 pays (dont l'Église catholique, encore non-membre du COE), ont travaillé dans le cadre de six sections relatives à l'une ou à l'autre partie du thème central. Et, fait notable entre tous, cette foule rassemblée durant près de trois semaines dans le Kenyatta Center est parvenue à des conclusions et recommandations qui marqueront (dans quelques années) l'histoire de l'Église.

Il faut préciser que les sous-thèmes des sections relatifs à l'évangélisation, à l'unité, à la recherche de la communauté humaine, à la lutte contre l'injustice sociale et à la quête de la qualité de la vie auront été préparés durant deux ans sur la terre entière et qu'ils auront été introduits, de façon exceptionnelle, à Nairobi même par six exposés de grande valeur : ceux de l'évêque méthodiste bolivien Mortimer Arias, du prêtre orthodoxe français Cyrille Argenti, des théologiens américains McAffee Brown et John Deschner, du Premier ministre de la Jamaïque sir Michael Manley, et celui du célèbre biologiste australien Charles Birch.

Il est impossible de résumer ici ces discours ou ces recommandations. Disons seulement qu'elles ont fait progresser l'unité par la notion acceptée de la communauté conciliaire, au point qu'on aura pu dire qu'une prochaine assemblée générale du COE, dans sept ans ou quatorze ans, pourrait être le VIIIe Concile pleinement œcuménique de l'Église. Telle fut la conclusion de l'exposé du Père Cyrille Argenti, faisant allusion au VIIe Concile de Nicée 2 (787), après lequel le schisme entre l'Orient et l'Occident fut consommé. Il faut dire que l'insistance sur l'urgence d'une unité eucharistique et organique de la chrétienté (insistance approuvée publiquement par les délégués du Vatican) a comme renouvelé la mission apostolique de l'Église.

Vision nouvelle

Personne ne met plus en doute, en effet, surtout en Afrique, que la mission d'hier, avec des missionnaires envoyés d'Europe ou d'Amérique, soit révolue. Cependant, comme l'ordre missionnaire est premier pour l'existence même de l'Église, il fallait bien qu'apparaisse une vision nouvelle.