Mais, la résidence principale étant exonérée, c'est surtout en ce qui concerne les actions et les résidences secondaires que le ministre a dû reculer. Les premières ne sont taxées que pour une partie de la plus-value, et, si le produit de la vente est réinvesti, l'impôt est nul. Cela a fait plaisir aux boursiers. Les propriétaires de résidences secondaires, eux aussi, ont fait l'objet de beaucoup de mansuétude de la part des députés, puisque le nouveau système est même plus favorable que le système antérieur de taxation ! Va dans le même sens l'exonération des terres agricoles et forestières, des logements détenus depuis plus de vingt ans, des terrains depuis plus de trente ans. De même sont exonérées les transactions inférieures à 30 000 F pour les immeubles et à 20 000 F pour les biens mobiliers.

Ressources

Au total, le projet voté ne semble pas devoir rapporter des ressources nouvelles bien importantes : quelques centaines de millions de F, quand l'ensemble des ressources fiscales a été de 291 milliards de F en 1975.

Et la question se pose : fallait-il donc s'engager dans un tel conflit politique pour un si faible résultat ? Assurément, disent les défenseurs du projet, qui rappellent que tout impôt nouveau en France déclenche de tels débats. Ce fut le cas lors de l'introduction, en 1917, de l'impôt sur le revenu, aujourd'hui accepté par tous. Les bénéfices indirects tirés par l'État ne sont pas non plus négligeables. Par exemple, les dessous-de-table et la sous-déclaration des prix de vente d'immeubles seront beaucoup moins fréquents, puisque l'acquéreur aura un intérêt personnel à déclarer le vrai prix d'achat (qui viendra en déduction du prix de revente et servira pour calculer la plus-value). Par ailleurs, et plus important encore, les transactions sur tous les biens, même si celles-ci sont faiblement taxées, devront être déclarées (elles ne l'étaient pas auparavant), ce qui permettra au fisc d'avoir une meilleure connaissance des patrimoines, donc de l'enrichissement et, par voie de conséquence, des revenus réels des Français. Le filet se resserre donc sans y paraître, mais efficacement, sur la masse des fraudeurs qui font perdre à l'État, selon des estimations officielles, plus de 50 milliards de F par an.

Quant aux partisans de l'imposition sur le capital, qui ont combattu le projet pour des raisons politiques ou électorales, ils se félicitent souvent, en secret, que la majorité elle-même, par son action, ait préparé psychologiquement l'opinion à une fiscalité nouvelle sur les patrimoines et mis en place les premières mesures techniques d'une imposition de la richesse.