Le fait, cependant, que l'inquiétude générale des marchés se soit apaisée au cours de la période étudiée apparaît dans l'évolution des prix de l'or. De 166 dollars, fin juin 1975, l'once descend, le 18 juin 1976, à 126 dollars, soit une baisse de 24 %. Certes, l'accroissement prévisible de l'offre par les ventes du FMI, notamment, pèse sur le marché. Il n'en reste pas moins qu'on ne se précipite plus sur la valeur refuge.

La taxation des plus-values

La France vient-elle de faire une réforme fiscale importante dont les véritables effets n'apparaîtront que progressivement, ou bien s'est-elle offert quelques mois d'agitation politique stérile à cause d'une loi fiscale impopulaire qui rapportera à l'État moins d'argent qu'il ne lui en coûtera ?

C'est la question que se posent, au milieu de l'année 1976, bien des observateurs tout abasourdis par les éclats du débat public dans lequel la discussion du projet de loi de taxation des plus-values a plongé la France, lui faisant même oublier l'inflation, le chômage et la sécheresse dramatique du printemps. C'est le président de la République qui avait annoncé, lors de la campagne électorale, de 1974, qu'au cours de son mandat serait étudiée et mise en place une telle réforme.

Obstacles

Alors que cette taxation existe dans de nombreux pays comme l'Angleterre, les États-Unis et l'Allemagne, notre système fiscal continuait d'ignorer pour l'essentiel les ressources que constitue pour un individu la plus-value, c'est-à-dire la différence entre le prix d'achat et le prix de vente d'un bien en sa possession (immeubles, terrains, actions, obligations, or, œuvres d'art, etc.). Cela ne s'est pas passé tout seul ! Et, dans la course d'obstacles qu'a connue le projet avant de déboucher, le gouvernement a dû renoncer à beaucoup de ses ambitions initiales. C'est pour étudier une « imposition généralisée des plus-values » que le ministre des Finances. Jean-Pierre Fourcade, avait créé, dès février 1975, une commission d'étude présidée par Albert Monguilan, président de la Chambre de cassation.

Cette taxation devra s'appliquer à l'ensemble des plus-values, avait dit le ministre des Finances ; elle ne frappera qu'au moment de la vente (ce qui excluait, choix politique important, l'impôt sur les plus-values latentes qui aurait été, en quelque sorte, un impôt sur le capital). Seule la plus-value réelle (à l'exclusion de la hausse du prix du bien due à l'inflation) devait être taxée. Au mois de juillet 1975, la commission remet son rapport et ses propositions au Conseil économique et social où Pierre Uri, à son tour, se lance dans la rédaction d'un nouveau texte assez sensiblement différent, remis au gouvernement en décembre 1975.

Entre-temps, l'offensive des antitaxation s'est développée, et le ministre Jean-Pierre Fourcade présente, le 20 avril 1976, son projet de loi qui doit peu à Albert Monguilan et à Pierre Uri. Ainsi l'intitulé du projet ne fait plus référence à une imposition généralisée, mais aux « ressources provenant de plus-values assimilables à un revenu ». Certaines plus-values seulement sont donc taxables.

Amendement

Autre transformation sensible subie par le projet dans sa philosophie même : il visait à faire de toute plus-value considérée comme un revenu une source de rentrée fiscale normale pour l'État. « Il s'agit de justice fiscale », soutenait le ministre, « d'égalisation de l'imposition entre les revenus du travail, par exemple, et les revenus dus à des plus-values ». L'opposition au projet développe alors l'argument : « Taxons les plus-values anormales : celles des spéculateurs, et laissons les autres tranquilles. »

Le débat prend de l'ampleur et s'encombre de considérations très techniques lorsque le projet parvient à la commission des Finances de l'Assemblée nationale et en discussion dans cette enceinte au mois de juin. Une partie de la majorité, en conflit ouvert avec le président de la République, mène avec l'opposition une dure bataille d'amendements. De celle-ci sort, en première lecture, un texte dont le titre marque bien un autre aspect de la reculade gouvernementale : il s'agit maintenant du vote d'une imposition partielle de certaines plus-values et de la mise en place d'une « taxe forfaitaire sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d'art, de collections et d'antiquités ». Les métaux précieux (y compris le napoléon) sont taxés à un taux réduit, plus faible encore pour les ventes d'objets précieux.