À plusieurs reprises, le Premier ministre Jacques Chirac réaffirme la volonté de la France de ne pas réintégrer le système militaire de l'OTAN (elle s'en était retirée en 1966), et le chef d'état-major des armées, le général d'armée aérienne François Maurin, répète, en juillet 1974, que « les raisons qui ont motivé le départ de la France de l'OTAN subsistent toujours et certaines ont même été renforcées ».

Le Premier ministre, J. Chirac visitant le 10 février 1975 le 3e régiment d'artillerie à Mailly-le-Camp (Aube), laisse entendre que les missiles nucléaires tactiques Pluton, dont est dotée cette unité de l'armée de terre, peuvent être au service d'une défense européenne au-delà de la seule défense du sanctuaire national. Et le chef de l'État considère, le 21 mai 1975, que l'Allemagne fédérale est en droit de s'interroger sur la nature et l'implantation, dans l'est de la France, de ces missiles.

Service national

Sur un deuxième point, la durée actuelle du service national, le chef de l'État donne l'impression d'avoir une optique différente. Le service de douze mois est, apparemment, la solution la moins chère. Les états-majors ont, provisoirement peut-être, convaincu V. Giscard d'Estaing que l'armée de métier coûterait chaque année, avec des effectifs réduits, 5 à 6 milliards de francs de plus que le régime actuel, et que le service de six mois (parce qu'il suppose un encadrement accru et une instruction accélérée) reviendrait trois fois plus cher que le service d'un an, ce que conteste naturellement l'opposition de gauche.

Le président de la République explique à la télévision, le 25 mars 1975, que « cette durée du service, il n'y a pas lieu de la considérer comme intouchable ; elle pourra être adaptée en fonction de notre effort de défense. Mais, à l'heure actuelle, elle correspond à la durée minimum des pays comparables ». En revanche, a ajouté le chef de l'État, « ce qui est vrai, c'est que les conditions du service militaire en 1975 ne peuvent plus être les conditions de 1900, voire de 1950 » et qu'elles doivent être adaptées au changement.

C'est à cette mise à jour, nécessaire, de l'institution militaire et du service national que sont conviés les remplaçants de Jacques Soufflet, le 31 janvier 1975, au ministère de la Défense. Après huit mois de responsabilités ministérielles, J. Soufflet a dû céder la place à Yvon Bourges (député UDR des Côtes-du-Nord), assisté du général de corps d'armée Marcel Bigeard au poste de secrétaire d'État à la Défense.

Contingent

Appelé au ministère de la Défense alors que pas une fois (durant son mandat de sénateur UDR) on ne l'a entendu se prononcer à la tribune sur des problèmes militaires de fond, J. Soufflet a cru qu'il suffirait de quelques mesures de bonne volonté ou de circonstance pour empêcher la dégradation de la machine militaire et, en particulier, celle d'un service national vigoureusement combattu (de l'intérieur) par ceux-là mêmes qui n'acceptent plus de servir dans les conditions actuelles.

Une centaine d'appelés du contingent, pour la première fois, avaient adressé une lettre collective aux deux candidats, entre le premier et le second tour de l'élection présidentielle de 1974 (Journal de l'année 1973-74), pour réclamer, notamment, une solde égale au SMIC, la gratuité des transports, la suppression des brimades et la liberté totale d'expression et d'information.

Le 10 septembre 1974, 200 appelés du 19e régiment d'artillerie de Draguignan (Var) défilent dans les rues pour protester contre des sanctions prises après une distribution de tracts revendicatifs s'inspirant de l'appel des cent. Deux des appelés du contingent, tenus pour responsables de cette manifestation, la première du genre depuis de nombreuses années, sont condamnés à un an de prison, dont huit mois avec sursis, par le tribunal des forces armées de Marseille, le 7 janvier 1975. Après ce premier avertissement, d'autres jeunes appelés d'un groupe de transport manifestent, le 13 janvier 1975, à Karlsruhe (RFA), où s'étaient réunis, plusieurs semaines auparavant, des comités de soldats, le plus souvent constitués par des militants de la ligue communiste révolutionnaire d'Alain Krivine, pour jeter les bases de nouvelles modalités d'action dans les casernes.