Armée

Avec nuance, la continuité l'emporte sur le changement

« Lorsque vous m'avez élu président de la République a expliqué, le 25 mars 1975, à la télévision, Valéry Giscard d'Estaing qui s'adressait aux Français, vous m'avez confié le progrès de la France, mais vous m'avez aussi confié constitutionnellement sa sécurité. J'ai réfléchi longuement à ce problème, et j'ai abouti à la conclusion qui avait été celle du général de Gaulle et qui est que la France doit disposer d'une défense indépendante. La France fait partie d'une alliance, mais elle doit assurer elle-même, de manière indépendante, sa défense. » Cette profession de foi gaulliste en matière de défense, le chef de l'État, qui est aussi le chef des armées au terme de la Constitution de 1958, la réitère, le 7 mai 1975, au camp de Mourmelon (Marne), lors d'une revue militaire organisée pour le XXXe anniversaire de la victoire de 1945.

Héritage

Aucune innovation, donc, dans les choix du président de la République, mais les doutes qu'auraient pu entretenir les uns sont levés et les espoirs qu'avaient nourris les autres s'estompent. En témoignent les commentaires satisfaits et rassurés des gaullistes, les déceptions de certains centristes qui attendaient des propos plus européens, tandis que la gauche souligne le renforcement des liens entre le système militaire français et l'OTAN.

Au début du mois d'août 1974, le président V. Giscard consacre une semaine à s'informer sur les problèmes de défense, un dossier qui lui est peu familier. Il apparaît très tôt dans l'esprit du nouveau président de la République que l'effort de réflexion et d'imagination entrepris doit s'appliquer, d'abord, à mieux définir les objectifs d'une politique de défense, compte tenu de l'évolution internationale et, partant, les tâches attribuées à l'ensemble de l'institution militaire. Après quoi il s'ensuivra (si besoin est) le remodelage du dispositif français de défense et le choix des mesures pratiques touchant à la condition morale et matérielle des militaires.

En accédant à l'Élysée, V. Giscard d'Estaing prend conscience, comme l'avait fait son prédécesseur G. Pompidou (qui n'était pas mieux préparé que lui à cet exercice), que la coexistence d'une panoplie militaire avec des forces classiques n'a de raison d'être que si, du même coup, le rôle de chacun de ses systèmes ainsi que l'appui qu'ils s'apportent sont clairement établis.

Continuité

Progressivement, les conclusions auxquelles s'arrête V. Giscard d'Estaing sont connues. Un Conseil de défense, présidé par le chef de l'État le 10 octobre 1974 à l'Élysée, décide de maintenir la durée du service national à douze mois ; de ne pas modifier, pour le moment, les missions des forces armées françaises ; de continuer les essais nucléaires en Polynésie, mais en souterrain à compter de 1975, et de perfectionner la panoplie actuelle de dissuasion. Le 5 juin 1975, le premier tir souterrain a lieu sur l'atoll de Fangataufa.

Le 24 octobre 1974, devant des journalistes réunis à l'Élysée, le président de la République insiste, à deux reprises, sur la nécessité d'accroître la mobilité et la souplesse d'emploi des forces classiques, qui cessent d'être considérées comme un simple environnement de protection de l'armement nucléaire pour devenir l'instrument d'une stratégie d'action indirecte, grâce à une plus grande autonomie de manœuvre. Le 8 novembre 1974, Valéry Giscard d'Estaing affirme (après un séjour de vingt-quatre heures à bord du sous-marin nucléaire lance-engins le Terrible) que « la France doit avoir une capacité militaire propre, mobile et correspondant à sa dimension comme État moderne ».

Le 18 décembre 1974, un Conseil de défense décide de renforcer l'escadre de la Méditerranée avec les porte-avions Foch et Clemenceau et leurs bâtiments d'accompagnement prélevés à Brest, tandis que l'escadre de l'Atlantique recevra des moyens supplémentaires de lutte anti-sous-marine.

Inspirée de ce qu'avait déjà imaginé le président Pompidou, la décision de V. Giscard d'Estaing est liée à la réouverture, le 5 juin 1975, du canal de Suez au trafic maritime, à la volonté de la France de jouer un rôle plus actif dans le Bassin méditerranéen et à la constatation que, si le statu quo en Europe continentale est maintenu du fait de l'existence des armes nucléaires, en revanche la dissuasion peut être tournée en Méditerranée par des actions, plus ou moins agressives et discrètes, de stratégie dite périphérique.