Journal de l'année Édition 1975 1975Éd. 1975

Commerce extérieur

Sur la voie fragile du rééquilibre

Les années se suivent, mais ne se ressemblent pas, y compris dans le domaine du commerce extérieur. Après avoir enregistré un excédent de 7 milliards de francs en 1973, la balance commerciale française accuse un très profond déséquilibre en 1974 : sur la base des importations et exportations toutes marchandises calculées en valeur FOB, le déficit atteint 16 milliards (et même 17 milliards environ, en tenant compte d'ajustements ultérieurs relatifs aux hydrocarbures).

Monsieur commerce extérieur

Ouvrir de nouveaux débouchés aux productions françaises, favoriser un redéploiement géographique de l'exportation, faciliter la tâche des exportateurs, les mobiliser et en accroître le nombre : telle est la mission de Norbert Ségard à la tête du ministère du Commerce extérieur. Né à Aniche, dans le Nord, au cœur du Pays noir, il y a cinquante-trois ans, élu député de Lille en mars 1973, nommé secrétaire d'État au Commerce extérieur en juin 1974, puis élevé au rang de ministre fin janvier 1975, N. Ségard allie les qualités d'un scientifique (il est docteur es sciences physiques) et d'un homme de contact. Au rythme annuel d'une trentaine de pays visités (quelque 200 000 km), Norbert Ségard parcourt les routes du monde pour présenter le dossier de notre industrie. Mais un tour de France de l'exportation est aussi à son programme.

Fuite en avant

Les importations (239,2 milliards) progressent de 53,8 % par rapport à 1973, et les exportations (223,1 milliards) de 37,3 %. Le taux de couverture d'une année à l'autre tombe de 104,5 % à 93,3 %.

Ce bouleversement est la conséquence inéluctable du quasi-quadruplement du prix du pétrole brut, dont la tonne CAF importée, qui revient en moyenne à 111 francs en octobre 1973, voit son coût s'envoler ensuite pour parvenir, dès l'été, à quelque 400 francs. La hausse des cours des matières premières se poursuit jusqu'avant l'été.

Il reste que le déficit global n'est pas aussi fort qu'on aurait pu le craindre à certains moments : selon des prévisions, il a été avancé un solde négatif de 22 à 24 milliards, et même 30 milliards.

Jusqu'en mai, en raison de l'évolution des prix du pétrole et des matières premières et de son incidence sur les prix des produits finis, tant les entreprises que les particuliers veulent anticiper les hausses. Des stocks de précaution sont constitués. C'est la fuite en avant. La surchauffe, la stimulation de l'inflation ne font qu'aviver la demande, les achats extérieurs notamment.

L'expansion des échanges est vigoureuse. Le manque de capacités de production disponibles ne donne pas la possibilité à l'industrie française de satisfaire pleinement la demande intérieure. D'où une part accrue du marché national laissée aux importations.

À partir de juin, un coup de frein est progressivement donné à la détérioration. Le plan de refroidissement de l'économie est lancé. Les cours des matières premières importées vont amorcer un net repli. Le tassement de la demande au niveau de la consommation et des dépenses d'équipement de l'industrie permet aux entreprises françaises de reconquérir une part du marché intérieur. L'appareil de production industrielle entre alors dans une phase de détente qui facilite le développement des exportations. Le ralentissement de l'activité entraîne un recul des importations en volume.

Amélioration

Le redressement se confirme à l'automne. La décélération du flux des importations au second semestre, le raffermissement du franc, par rapport au dollar notamment, mais surtout l'amélioration du solde des échanges industriels, font que l'année se termine sur une bien moins mauvaise note que lorsqu'elle a débuté. En novembre et décembre, les échanges sont pratiquement équilibrés.

Au quatrième trimestre, les échanges hors énergie laissent apparaître un taux de couverture de 118 % (contre 104 % au second trimestre). Une telle amélioration permet de compenser en partie l'aggravation du déficit pétrolier.

Pour l'année entière 1974, les échanges, non compris les produits énergétiques (non plus que le matériel militaire), laissent un solde positif de 17,3 milliards de francs, 65 % plus élevé que l'année précédente.