L'équilibre des recettes et des dépenses, neutre du point de vue de l'expansion, ne peut être considéré comme anti-inflationniste.

L'augmentation des dépenses prévues dans les projets de lois de finances – tous équilibrés – depuis six ans n'a fait que s'accélérer : + 6,2 % en 1970, + 8,7 % en 1971, + 9,4 % en 1972, + 11,2 % en 1973, + 12,4 % en 1974 et + 13,8 % en 1975. Cette escalade ne reflète évidemment pas une expansion plus vigoureuse, mais l'indexation sur une hausse des prix qui s'est accélérée et qui permet d'équilibrer les dépenses grâce aux plus-values qu'elle sécrète.

La modération de l'inflation par la cassure de la spirale, fin 1974, a donc été le résultat des restrictions monétaires plus que budgétaires. Mais, pour passer du freinage à la stimulation, pour enrayer la chute de l'activité puis pour la relancer, le budget s'est révélé aussi, sinon plus, approprié que la politique monétaire (qui ne peut agir que sur la faculté de dépense des consommateurs ou des investisseurs, et non sur leur dépense elle-même ; or « on ne peut faire boire un âne qui n'a pas soif... »).

La récession a spontanément orienté l'exécution du budget dans un sens expansionniste : la diminution des achats des consommateurs et des importations font chuter les recettes de TVA.

Soutien

De plus, les premières mesures de soutien aux secteurs en crise (automobile, bâtiment et travaux publics), fin 1974-début 1975, ont accru les dépenses. Fin février, le soutien s'est ensuite porté sur les revenus des agriculteurs et sur les prestations versées aux personnes âgées et aux familles. Le 17 mars, des crédits ont été ouverts pour la mise en chantier de 25 000 logements supplémentaires. Le 23 avril, des crédits supplémentaires ont été accordés au téléphone, aux entreprises nationales, aux régions et à l'exportation ; un emprunt de 5 milliards à taux d'intérêt bonifié a également été décidé pour soutenir les investissements productifs.

Mais la vraie relance ne pouvait passer que par la dépense publique : la machine administrative est inerte et l'aptitude des bénéficiaires des crédits à les engager rapidement est faible ; c'est sans doute pourquoi le Fonds d'action conjoncturelle (créé en 1969), pour pouvoir débloquer en cas de besoin des crédits d'investissement, a été supprimé dans la loi de finances pour 1975. À dessein d'exercer un impact rapide sur l'économie, c'est l'action par les recettes qu'a ensuite privilégiée la politique gouvernementale : rétablissement anticipé du régime de l'amortissement dégressif (supprimé en juin 1974), déduction fiscale de 10 % sur les investissements, remboursement de TVA aux agriculteurs, dispense du premier acompte de la taxe conjoncturelle, majoration de l'abattement à la base sur les revenus des obligations (de 2 000 à 3 000 F), remboursement de la majoration d'impôt direct décidée en juin 1974, etc.

Ces pertes de recettes, volontaires, s'ajoutant à celles qui étaient imposées par la faiblesse de la conjoncture et la désinflation, et se cumulant avec le gonflement des dépenses, devaient donner lieu à une nouvelle loi de finances rectificative et rendaient probable l'apparition d'un déficit d'exécution en fin d'année, contribuant ainsi à ranimer l'activité. Elles se conformaient aussi à l'appréciation du président Giscard devant les chambres de commerce, selon laquelle « la pression fiscale avait atteint son maximum ».

La serisette

La principale innovation du budget de 1975 a été l'introduction d'un prélèvement « ayant pour objet de prévenir les comportements inflationnistes des entreprises ». Imaginé par J. Serisé, conseiller du président Giscard d'Estaing la taxe conjoncturelle devait entrer en vigueur le 1er janvier 1975. L'idée était de frapper l'inflation à sa source : dans l'entreprise (ou du moins dans les 15 000 plus grandes d'entre elles). Pour dissuader les hausses injustifiées de salaires ou de profits qui se répercutent dans les prix, les accroissements « excessifs » des marges (ou différence entre le prix d'achat et le prix de vente) des entreprises sont imposés à un taux de 33 %. L'« excès » se mesure par rapport à une norme qui est l'augmentation de la production en valeur envisagée par le gouvernement et qui correspond à l'augmentation cumulée de la productivité et des prix. Les firmes modernes, innovatrices, qui dégagent des gains de productivité élevés, seront donc les plus touchées si elles ne font pas bénéficier de leur efficacité les consommateurs par des baisses de prix. Cependant, dans le souci de préserver la croissance, les accroissements de marges correspondant à des investissements, à des créations d'emploi ou à des exportations, ne sont pas soumis au prélèvement. L'originalité de cet impôt réside dans son extinction spontanée : dès que les objectifs sont atteints (0,5 % de hausse des prix des produits manufacturés pendant trois mois consécutifs, en 1975), il cesse de s'appliquer, et son produit est remboursé.