Il n'est donc pas interdit d'imaginer que François Ceyrac et Giscard d'Estaing se sont peut-être inspirés de la conclusion de l'affaire Lip pour réaliser cette première mondiale de l'accord du 14 octobre, garantissant une année de salaire aux victimes de licenciements pour cause économique. Le patronat et le gouvernement sont accusés de vouloir rendre le chômage indolore. Mais tous les syndicats signent cet accord du 14 octobre, complété par celui du 21 novembre sur les garanties de l'emploi (que la CGT et la CFDT ont refusé de signer).

La CGT signe l'accord du 14 octobre, car il est « positif » pour les travailleurs, mais celui du 21 novembre ne représente pour Henri Krasucki, secrétaire confédéral, qu'une « vaste comédie » de « collaboration de classes ». La CGT et la CFDT refusent également de signer l'accord du 17 mars 1975 qui vient clore plus de deux années de discussions sur l'amélioration des conditions de travail. Demi-échec ? Sans doute, puisqu'au dernier moment les deux plus grandes confédérations jugent insuffisantes les concessions du CNPF, lui aussi aux prises avec une base qui lui mesure son soutien.

Si cet échange de vues a duré aussi longtemps, c'est que les stratégies des partenaires n'étaient pas dépourvues de concordances. Des rapprochements ont été réalisés, certains compromis établis. Ainsi, les réticences de la CGT, inquiète sur l'avenir du rôle de l'encadrement, ont-elles été levées, ne serait-ce que grâce à l'accord CNPF-CGC intervenu en juin 1974 à propos de la concertation et de l'information. La CFDT a noté avec satisfaction la reconnaissance par le patronat de la pénibilité de certaines tâches (notamment le travail posté). La CGT a été sensible à l'acceptation d'une négociation nationale et à l'attention portée à ses propositions.

Mais la contrepartie de ce dialogue prolongé abordant le fond du problème des conditions de travail est évidente : la longueur de la négociation a rendu impossible l'unanimité sur une simple déclaration d'intentions, comme cela avait été le cas avec la mensualisation.

La conjoncture a joué un rôle important en modifiant les priorités pour les salariés et les syndicats. Quant aux entreprises, elles ont craint les incidences financières de mesures substantielles d'amélioration des conditions de travail.

Une conjoncture plus favorable aurait-elle gommé toutes les difficultés de cette négociation ? Ce n'est pas certain. En raison même de sa globalité, le problème des conditions de travail est au cœur des doctrines et des stratégies des organisations professionnelles.

Et sans doute les partenaires ont-ils implicitement admis que l'État viendrait trancher, ne serait-ce qu'à l'occasion des décisions à prendre pour concrétiser les propositions du rapport Sudreau sur la réforme de l'entreprise.

Législation sociale

Le chômage, l'immigration, les accidents du travail, la protection de la famille et la sécurité sociale ont été l'objet de modifications (réglementaires ou législatives) durant le second semestre de 1974. On trouvera ci-dessous les grandes lignes des changements intervenus.

Le chômage

Le système de protection est amélioré par plusieurs mesures, contractuelles et législatives. Au niveau contractuel, deux accords interviennent :
– le premier (signé le 31 octobre 1974 par l'ensemble des syndicats) vise l'« allocation supplémentaire d'attente » qui complète les allocations d'aide publique et les allocations spéciales, à concurrence de 90 % du salaire, jusqu'au reclassement du salarié (ou jusqu'à 60 ans) ;
– le second (signé le 21 novembre 1974 par la CFTC, FO et la CGC seulement) améliore les dispositions de l'accord du 10 février 1969 sur la sécurité de l'emploi et décide :
l'élargissement de la notion du licenciement collectif ;
l'allongement des délais pour l'information du comité d'entreprise ;
le renforcement du rôle du comité d'entreprise ;
le recours à une procédure paritaire en l'absence de plan social dans l'entreprise.

Sur le plan législatif, un texte élargit les dispositions de l'accord du 21 novembre 1974, et rend obligatoire :