Vie sociale

Une série de conflits durs n'empêchent pas de multiples négociations

Deux grands conflits, l'un aux PTT à l'automne, l'autre chez Renault au printemps (deux entreprises publiques), une multitude de grèves provinciales, souvent avec occupation des lieux de travail, mais sans véritable explosion sociale malgré le taux record de chômage, tel est le visage surprenant de cette année 1974. Année « paisible », suivant le mot du président de la République, malgré une situation économique comparable selon certains à la grande dépression de 1929.

Il peut paraître curieux qu'après les grandes mobilisations de Lip ou de Rateau (Journal de l'année, 1973-74), qui étaient bien des conflits pour l'emploi, le front social soit demeuré si calme. L'étonnement n'est qu'apparent ; la menace du chômage n'a jamais encouragé les salariés à revendiquer. Le gouvernement et le patronat le savent. Mais cette stratégie repose sur un pari : à savoir la stabilité du taux de chômage et surtout la poursuite du dialogue gouvernement-salariés pardessus la tête des syndicats. Ce qui empêche la base d'être saisie d'un de ces mouvements de révolte défiant la logique du rapport de forces sociales.

De même que le freinage de l'activité économique ne s'est répercuté qu'avec retard sur le marché de l'emploi, c'est à partir de la fin de 1975 que les conflits prendront un tour plus dur, quand la relance produira ses effets.

Si l'explosion n'a pas eu lieu, la politique contractuelle a perdu cependant de son attrait dans le secteur public. La longueur et l'âpreté de certains conflits du secteur privé ont dissipé les espoirs d'une paix sociale acquise à coup de négociations au sommet, entre états-majors. Car ni les mesures sur l'indemnisation du chômage ni l'accord sur l'amélioration des conditions de travail n'ont paru constituer des bases solides pour une négociation collective durable.

N'est-ce pas, en définitive, prendre à nouveau le risque d'un « gouvernement à secousses » que de naviguer à vue, de se satisfaire de voir les craintes sur l'emploi repousser les affrontements sur les problèmes d'avenir de la société industrielle ?

CGT : une direction renouvelée et renforcée

Le 39e congrès de la CGT s'ouvre le 22 juin et débute par un différend avec la CFDT (Georges Séguy critique, dans son discours d'ouverture, le refus de la CFDT de participer aux travaux de la CGT). Le congrès est dominé par la défense des libertés syndicales ; un document est publié, qui proteste contre « la mise en cause des libertés syndicales », notamment chez Peugeot, Berliet, Citroën, Chrysler, « suite au rôle joué par la CFT ou des officines de travail temporaire pseudo-policières. »

Est-ce à dire que les sujets chauds (querelles politiques à gauche, Portugal, etc.) ont été mis de côté ? « Non, répond H. Krasucki, nous sommes partie prenante des débats politiques, mais, parce que nous avons à commencer la lutte des classes quotidienne dans l'entreprise, nous nous retrouvons toujours facilement, communistes, socialistes et chrétiens, sur les mêmes positions. »

C'est pratiquement à l'unanimité que l'ensemble des rapports est adopté : 0,2 % d'opposants. Les instances dirigeantes de la centrale sont sensiblement renouvelées et élargies : la commission exécutive compte désormais 94 membres, soit une quinzaine de plus que par le passé. Trente-quatre nouveaux venus y sont entrés, surtout des jeunes et des femmes.

Au bureau confédéral, le nombre des sièges passe de 14 à 16 ; se retirent Scheffer, Frachon et Mauvais. Le nouveau bureau confédéral comprend :
– secrétaire général : Georges Séguy* ;
– secrétaires confédéraux : André Allamy*, André Berthelot, René Buhl, Manuel Caille*, Jacqueline Dhervilly-Lambert, René Duhamel, Johannès Galland, Christiane Gilles*, Henri Krasucki*, Livio Mascarello, Jeanine Marest, Jean-Louis Moynot*, Jean-Claude Laroze, René Lomet*, Michel Warcholack*.

* Membres du parti communiste.

CGC : nouvelle équipe mais unité toujours incertaine

Avec son 22e congrès, tenu du 27 au 29 juin 1975, à Paris, la CGC a tourné une page de son histoire : André Malterre, président de la confédération depuis la Libération, a laissé la place à son dauphin, Yvan Charpentié, venu de la chimie, battant Jean Menu (soutenu par la métallurgie et la banque) par 432 voix contre 316.