Après de longues polémiques internes et la contestation devant les tribunaux sur la régularité des mandats de certaines fédérations (notamment les VRP), la CGC évite finalement une scission. L'équipe battue décide cependant de contester la validité du congrès.

Quoi qu'il en soit, le congrès aura rappelé une vérité première : les querelles d'état-major ne passionnent pas la base (la guerre de succession des barons a été désavouée par de nombreux délégués).

Soucieux de sortir la CGC d'un certain isolement, le nouveau président annonce son intention de rencontrer régulièrement toutes les confédérations syndicales. Des inflexions semblent s'annoncer également à propos de certaines revendications comme le droit à l'emploi : la CGC réclame des mesures immédiates de réduction de la durée de travail et d'abaissement de l'âge de la retraite. Les cadres se rangent là dans le camp des centrales ouvrières. En revanche, on ne note aucun changement dans l'appréciation des problèmes liés à la fiscalité, à la hiérarchie des rémunérations, à la garantie des prestations sociales et au déplafonnement des cotisations de sécurité sociale.

Les conflits

Dès l'automne 1974 la situation sociale est claire : défense de l'emploi, défense du pouvoir d'achat. Tous les syndicats, en dépit de leurs divergences, adoptent une même stratégie. Ils ne la choisissent pas, elle s'impose à eux. Il ne peut y avoir d'offensive d'automne, alors que les conflits placés au premier plan : le France, Titan-Coder, les Tanneries d'Annonay, impliquent non pas l'offensive mais la défensive. Il est caractéristique que les déclarations de François Ceyrac et Jacques Chirac sur la nécessité de freiner l'augmentation des salaires ne provoquent pas les réactions vigoureuses qu'on aurait pu attendre du monde syndical.

Ainsi, en proposant que la journée du 25 octobre 1974 soit simplement marquée par des débrayages et l'envoi de délégations au siège du CNPF en présence d'Edmond Maire et Georges Séguy, les deux confédérations montent d'un cran le niveau de l'action. Mais elles limitent leur appel « aux entreprises et branches touchées par les licenciements ».

Les années précédentes, la CFDT était souvent présentée comme la confédération la plus combative. C'est la CGT qui, dès octobre, se montre la plus impatiente. Cette volonté trouve une première expression avec la grève des postiers. Toutefois, par son ampleur et sa durée, la grève incite la confédération à une plus grande prudence, dans un deuxième temps.

PTT

Le 18 octobre, au centre de tri de PLM, les postiers votent la grève illimitée. Les syndicats CGT et CFDT ne proposent que vingt-quatre heures de débrayage ; personne n'y attache trop d'importance.

Le mouvement s'étend rapidement aux autres centres de tri. Aucune fédération ne lance d'ordre de grève nationale. Cependant la fédération FO de l'Île-de-France, qui groupe les postiers de Paris et de sept départements, prend l'initiative d'un ordre de grève illimitée. On reparle à nouveau des trotskistes, ceux de Force ouvrière. Il ne s'agit pas cette fois-ci des amis d'Ariette Laguiller, mais des trotskistes d'une autre tendance : l'OCI (organisation communiste internationaliste), dont le leader est Pierre Lambert, lui-même militant FO de la Sécurité sociale. La CGT et la CFDT donnent dans toute la France des consignes de grèves de vingt-quatre heures reconductibles, qui sont totalement suivies. Très rapidement les PTT sont paralysés.

Pourquoi les postiers lèvent-ils l'étendard de la révolte, alors que la grille des traitements est la même dans toute la Fonction publique ?

Le mécontentement n'est sans doute pas moindre dans d'autres administrations. Mais des raisons supplémentaires abondent chez les postiers. Leur travail est aussi dur que dans les secteurs industriels les plus compétitifs, le volume du trafic postal ayant monté en flèche ces dernières années. Néanmoins, 70 % des agents, selon les syndicats, gagnent moins de 2 000 F par mois. Depuis dix ans, la plupart des emplois créés sont d'un faible niveau. Les auxiliaires ne fournissent souvent qu'une main-d'œuvre d'appoint instable et sans formation professionnelle (les touristes, comme on les appelle dans les centres de tri). Si les demoiselles du téléphone travaillent trente-cinq ou trente-six heures, dans de nombreux services la semaine est encore de quarante heures.