Un mois plus tard, à Berlin (11-19 août 1974), se réunit le Comité central du COE pour sa session annuelle de travail. Considéré, à tort ou à raison, comme étant politisé, tant par les conservateurs que par une partie de l'orthodoxie, il s'efforce de montrer que son action sociale est fondée sur une théologie verticale.

Il précise le thème de sa prochaine assemblée générale septennale (Nairobi, novembre-décembre 1975) : Jésus-Christ libère et unit, et fonde la préparation de ce thème sur une étude mondiale de l'Écriture sainte relative à la parole de saint Pierre : que signifie aujourd'hui rendre compte de l'Espérance qui est en nous ? C'est assez dire, cette fois-ci, que cet autre bloc de la chrétienté entend la question posée par la théologie verticale.

Monophysisme

Doctrine professée par le moine Eutychès, au Ve siècle, et ne reconnaissant qu'une seule nature au Christ. Condamnée au concile de Chalcédoine (451) et premier schisme dans l'Église. Création des Églises orientales (monophysites), en particulier les Églises jacobite, arménienne, copte et éthiopienne.

Taizé

Et à Taizé, que se passe-t-il ? En août 1974 s'ouvre le Concile des jeunes, préparé partout dans le monde depuis des années. On s'interroge sur les raisons pour lesquelles tant de milliers de jeunes se rassemblent sur cette colline, autour de l'Église de la Réconciliation. Des livres et des thèses sont même écrits à ce propos. Peu de temps après, ce concile se déplace, si l'on peut dire, au Mexique avant de susciter des manifestations similaires dans d'autres régions du monde.

La diffusion de la Lettre au peuple de Dieu, clôturant l'ouverture de cette assemblée de près de 40 000 jeunes, est le grand moment. Elle commence par ces mots : « Nous sommes nés sur une terre qui est inhabitable pour la plupart des hommes. Une grande partie de l'humanité est exploitée par une minorité qui jouit de privilèges intolérables. Les régimes policiers sont nombreux à protéger les puissants... Ceux qui détiennent le pouvoir n'écoutent presque jamais les hommes sans voix... » On peut constater, à travers ces seules lignes, l'évolution théologique de la communauté et, plus encore, des jeunes qui la fréquentent.

Attirés au début par la dimension cultuelle de Taizé, par la prière et l'adoration, c'est-à-dire par la dimension verticale de la foi, il est devenu clair que, sans oublier un instant cette dimension, les jeunes venus à Taizé découvrent non seulement la dimension horizontale, mais s'engagent dans un certain nombre de combats concrets pour l'homme.

Ainsi, là encore, le rapprochement des tendances est manifeste. On peut dès lors discerner dans ces événements l'aube d'un nouvel œcuménisme que l'Esprit susciterait au travers des menaces croissantes d'une ère de difficile transition.

Défis

Les menaces de ce temps et les défis qu'il jette provoquent la naissance d'un nouvel œcuménisme, encore minoritaire. Des chrétiens de toutes confessions, associés à des hommes de bonne volonté et même à des adeptes d'autres religions ou idéologies, forment un front commun pour défendre la dignité de l'homme et relever ces défis.

Ainsi en Afrique australe contre la ségrégation raciale, en Ulster contre un nationalisme sans issue, en Amérique latine, avec des leaders comme Helder Camara, contre l'exploitation du peuple, aux États-Unis contre la politique désastreuse en Asie du Sud-Est. Ainsi dans le monde entier contre le sort réservé aux prisonniers politiques, ou contre la torture instituée comme moyen de gouverner dans plus de 70 pays, moyen dénoncé par le Rapport sur la torture, publié par Amnesty international. Son président fondateur, l'Irlandais Sean Mc Bride, reçoit le prix Nobel de la paix le 8 octobre 1974. On voit à ce sujet se créer, notamment en France, des associations de chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT).

Dans le même ordre d'idées, on voit des ecclésiastiques catholiques et protestants offrir leurs locaux et donner leur temps pour la défense de travailleurs étrangers malheureux, beintôt expulsés par le pouvoir politique. En France (Avignon, Montpellier et Paris), des grèves de la faim ont eu lieu successivement dans des locaux catholiques et protestants.