On pourrait presque faire la même remarque à propos du centenaire de la naissance du Dr Albert Schweitzer, célébré surtout en Alsace et en Allemagne, qui, pour les uns, demeure le grand docteur blanc et, pour les autres, presque l'image de l'hérésie colonialiste.

Dans ce contexte très tendu mais schématiquement retracé, il est toujours regrettable de perdre des hommes capables de bâtir des ponts de dialogue et de réconciliation comme le fut le pasteur Henry Bruston, enlevé au protestantisme (7 janvier 1975). En fait, cette dualité entre théologie explicite et théologie inductive, entre neutralité politique et engagement politique, s'est vérifiée dans toutes les assemblées protestantes : aussi bien au Congrès international pour l'évangélisation mondiale tenu à Lausanne (21 juillet 1974) par les évangéliques conservateurs où, cependant, une tendance s'est fait jour dans le Message final pour que l'Évangile ne soit plus prêché sans une réelle connaissance de la situation socio-politique des peuples ; aussi bien à l'Assemblée des Églises européennes, dite « de Nyborg », tenue à Engelberg, en Suisse (novembre 1974), avec pour thème central : pratiquer la Parole, qu'aux divers synodes nationaux, dont le Synode de l'Église réformée de France (Martigues, juin 1975), consacré lui aussi à la transmission de l'Évangile, ou même à l'intronisation du Dr Coggan, successeur du Dr Ramsey comme nouvel archevêque de Canterbury et primat de la Communion anglicane (24 janvier 1975).

Nyborg

La Conférence des Églises européennes dite de Nyborg (du nom de la première réunion au Danemark) rassemble les Églises orthodoxes et protestantes de l'Europe de l'Est et de l'Ouest ; des observateurs catholiques y participent. Le Dr André Appel, élu président de l'Église luthérienne d'Alsace et de Lorraine (juin 1974), a été également élu président de la Conférence des Églises européennes en septembre 1974.

Identité

On comprend que, dans une situation aussi nouvelle, le protestantisme cherche à retrouver son identité propre. Il réagit d'ailleurs comme les autres confessions chrétiennes (ou même les religions non chrétiennes).

Cette recherche est paradoxalement une conséquence de l'œcuménisme, car vouloir s'unir aux autres ne peut aboutir qu'à se découvrir soi-même. Ce n'est pas une démarche antiœcuménique, mais une nécessité, comme pour tout mariage durable ! Le meilleur exemple (mais non le seul) est assurément le thème arrêté pour la XVe Assemblée triennale de la Fédération protestante de France (prévue pour novembre 1975) : situation et vocation du protestantisme dans la société française actuelle.

Tous les risques sont possibles avec un tel sujet, à l'étude dans toutes les communautés locales françaises : risques de triomphalisme pour le passé, de défaitisme pour le présent, de narcissisme, d'intellectualisme, etc.

Il n'empêche que ce thème s'est imposé non seulement en raison de la grande mutation de cette époque, mais (conséquence) des nouvelles formes de division.

La même préoccupation s'est imposée aux séminaires et colloques qui ont suivi la Conférence des Églises de toute l'Afrique (CETA, mai 1974), la Conférence des Églises européennes ou les manifestations semblables d'Asie, d'Amérique latine où, contrairement à l'Afrique, l'accent est mis sur ce qu'on nomme « la théologie de la révolution », c'est-à-dire de la libération des opprimés.

Éthique

C'est au niveau des affirmations éthiques que le protestantisme a le mieux établi cette identité et même une certaine unité pluraliste. L'enseignement biblique demeure la base d'une éthique en mouvement pour l'ensemble du protestantisme.

C'est ainsi qu'à propos de débats parlementaires sur la législation de l'interruption de grossesse (France, Allemagne, Autriche, Grande-Bretagne, États-Unis, etc.), sur la contraception (Afrique, Amérique latine...), sur le divorce (Italie, France, Suisse), sur la pastorale des homophiles, sur l'éthique conjugale ou les relations sexuelles libres, etc., le protestantisme est apparu partout comme très différent de l'éthique catholique, orthodoxe, juive ou musulmane.