Cette question revient d'une manière particulièrement aiguë lors du Rassemblement national organisé du 29 juin au 1er juillet 1974 par la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC). Quarante mille jeunes y participent au parc des Expositions de Paris. Une dizaine d'évêques (dont le cardinal Marty) assistent à certaines séances du congrès. Mais à une autre de ses réunions se présente un visiteur dont l'apparition fait sensation : Georges Marchais. Le parti communiste, comme l'ensemble des organisations ouvrières, a été invité. Son secrétaire général décide de manifester sa volonté d'ouverture en direction des catholiques en venant lui-même. « Nous constatons, explique-t-il le lendemain dans l'Humanité, que sur des questions importantes sont apparues des convergences entre les positions de la JOC et les nôtres. Nous nous en félicitons. »

Tout le monde ne s'en félicite pas autant. Dans l'Église et au-dehors, certains veulent y voir une preuve nouvelle de la collusion de certaines organisations catholiques avec l'extrême gauche marxiste et de la faiblesse de l'épiscopat, qui tolère de telles compromissions. La polémique s'enfle assez pour que l'épiscopat soit contraint de préciser dans divers communiqués que l'épisode politique du congrès était, en somme, marginal.

Sont-ils des marginaux, ces laïcs catholiques et ces quelques religieux qui créent à la fin de l'année, au cours de diverses rencontres, le groupe des chrétiens-marxistes ? En tout cas, ils sont assez peu nombreux : 300. Mais on note que l'adhésion explicite de religieux au marxisme ne provoque aucune réaction de la hiérarchie.

Dans un dernier domaine enfin, l'appui apporté aux divers contestataires par une partie du clergé pose quelques problèmes. Il s'agit du droit d'asile accordé dans les églises à des groupes qui y observent des grèves de la faim en signe de protestation. Ce qui provoque divers incidents avec la police. En réalité, le droit d'asile est une tradition ancienne, abandonnée depuis le Moyen Âge. Michel Poniatowski, ministre de l'Intérieur, annonce, le 4 février 1975, que la police entrera désormais dans les églises si c'est nécessaire. L'épiscopat ne dit rien.

Avortement

Ce sont surtout les problèmes de l'avortement et du divorce qui amènent les évêques à se mêler de la vie politique. Certes, ils s'en défendent, et assurent qu'ils ne veulent en aucune manière faire pression sur le législateur. Mais de divers côtés on les presse d'intervenir, et ils le font de plus en plus à l'approche du débat au Parlement.

Le 15 novembre, après de longues mais discrètes délibérations, l'assemblée de Lourdes publie une déclaration qui réaffirme sa ferme hostilité à l'avortement. Et, après la parution de la loi au Journal officiel, le cardinal Marty prend la parole à la télévision, le 19 janvier 1975, dans le cadre de l'émission religieuse « Le jour du Seigneur ». Il adopte cette procédure pour la première fois, afin de bien signifier qu'il ne s'adresse qu'aux catholiques, sans intervenir dans les affaires de l'État. Mais la solennité de son intervention, demandant aux catholiques de se souvenir que « la foi chrétienne, comme la morale, interdit l'avortement », lui vaut un certain retentissement.

Dans une moindre mesure, la préparation de la loi réformant la procédure du divorce est également rythmée par des déclarations épiscopales. En septembre 1974, le cardinal Renard, archevêque de Lyon, s'élève vigoureusement contre ce qu'il appelle « le divorce par consentement mutuel ». Le 3 mars, c'est la commission épiscopale de la famille qui rappelle l'enseignement de l'Église sur le divorce.

À l'intérieur de l'Église, enfin, les déchirements des années précédentes paraissent s'atténuer. Le mouvement de prêtres contestataires Échanges et Dialogue met un terme à son activité ; c'est, il est vrai, parce qu'une bonne partie de ses membres ont pris de telles distances à l'égard de l'Église qu'ils n'éprouvent plus le besoin de la remettre en cause. Une autre partie se joint au Collectif du 1er décembre, créé par les représentants de 46 groupes de chrétiens critiques, qui veulent être « de l'Église, dans l'Église ». Un autre groupe, la communauté de Boquen, se divise.