Pour la CGT, selon Henri Krasucki, « il est inadmissible que les travailleurs se trouvent placés devant des faits accomplis, des décisions unilatérales qui tranchent de leur destin », et il réclame « le droit et les moyens pour les comités d'entreprise et les syndicats de discuter, pièce en main, de l'opportunité même des fermetures et compressions de personnel ».

Après les protestations des syndicats, le Comité intersyndical du livre parisien appelle à des arrêts de travail. L'Union nationale des syndicats de journalistes se déclare solidaire de l'action menée par les travailleurs du livre. À la suite d'une grève le 25 octobre (à laquelle la Fédération FO ne s'associe pas), la Fédération nationale de la presse fait remarquer que ce genre d'action peut être inopportun en raison de la situation actuelle de la presse. En novembre, des grèves tournantes de soutien sont organisées dans les imprimeries.

Finalement, la réouverture de l'imprimerie est décidée d'un commun accord pour une période allant du 17 décembre au 16 février. Un système de préretraite permet le départ des ouvriers les plus âgés, des indemnisations sont prévues pour ceux qui s'en iront et, surtout, une antenne de l'Agence nationale pour l'emploi est mise en place pour le reclassement de tous les travailleurs.

Rateau

C'est en février que la direction de l'usine Rateau de la Courneuve, filiale du groupe CGE-Alsthom, annonce son intention de licencier 354 personnes. Pour la CGT, largement majoritaire, il s'agit d'emblée d'« un conflit de portée nationale ». Il est question de luttes pour la défense de l'emploi dans la Région parisienne, mais aussi de remettre en cause des méthodes de gestion patronale. Pour les syndicats, le plan de redressement de la direction n'est qu'une tentative pour justifier la liquidation des ateliers de chaudronnerie, de fonderie, de robinetterie. La prise en main de l'entreprise par Alsthom, en 1970, a marqué le début du dépérissement de Rateau : les investissements nécessaires n'ont plus été assurés, les licences de brevets ont été bradées, les stocks de pièces détachées se sont épuisés, une grande partie des travaux a été confiée à des sous-traitants. La grève est fermement dirigée par la CGT.

L'ordre y est strictement observé. On ne rencontre pas à La Courneuve le bouillonnement qui marqua le conflit de Besançon. Des cartes de gréviste sont distribuées, des piquets de grève syndicaux contrôlent les entrées.

Cette discipline n'exclura pas cependant quelques gestes spectaculaires : journée portes ouvertes, occupation du CNPF et envoi d'une délégation dans un studio de l'ORTF. Ce n'est finalement qu'à l'issue de plus de trois mois de grève et de négociations difficiles menées grâce à la médiation du ministre du Travail qu'un protocole d'accord est approuvé le 29 avril 1974 par 500 voix contre 157. Aux termes de l'accord :
– la garantie de l'emploi est assurée. Les effectifs seront ramenés dans le courant de l'année de 1 730 à 1 658, mais, grâce à des mutations internes, à la préretraite et à des garanties de formation, aucun licenciement n'interviendra. Les salaires sont relevés de 5 %, les congés payés accordés normalement et le temps de travail réduit d'une demi-heure ;
– le maintien de l'activité de l'entreprise est garanti pendant au moins cinq ans par un plan industriel d'investissement de 33 millions orientant l'entreprise vers le secteur nucléaire.

Pouvoir d'achat

Même si dans beaucoup d'entreprises le climat inflationniste incite les employeurs à accorder des augmentations nominales de salaires importantes (de l'ordre de 15 % pour l'année 1973), les conflits sur les rémunérations ne manquent pas. Ils sont menés surtout par certaines catégories de travailleurs : OS, femmes, immigrés. Certains conflits donnent lieu à des affrontements avec la police : LMT à Lannion, Chantiers de La Pallice, Kelton, Dynamic à Ormoy, Câbles de Lyon à Gennevilliers... Pour le secteur privé, deux conflits apparaissent particulièrement significatifs :

Cimenteries

Le 16 novembre 1973 la plupart des cimenteries françaises, qui emploient 14 000 salariés, sont paralysées par une grève déclenchée par la CGT et la CFDT. Les syndicats réclament un salaire minimal de 1 400 francs par mois pour 40 heures hebdomadaires. Pendant un mois, jusqu'au 17 décembre, la production de ciment se trouve bloquée, provoquant des réductions notables dans l'industrie du bâtiment et des travaux publics. Fait important : la solidarité syndicale internationale joue, empêchant les exportations de ciment vers la France. Finalement, après l'intervention d'un médiateur, M. Bois, haut fonctionnaire du ministère du Travail, il est décidé une revalorisation des salaires réels de 3,5 % (à compter du 1er octobre 1973), le versement d'une prime de 400 francs, l'amélioration du système de préretraite et des dispositions en matière de sécurité de l'emploi.

Chantiers de l'Atlantique

À Saint-Nazaire, aux Chantiers de l'Atlantique, en mars, les syndicats CGT et CFDT décident de déposer une demande d'augmentation uniforme de 200 francs par mois. À la suite du refus de la direction, des débrayages tournants sont organisés pendant deux semaines. Brusquement, le 25 mars, la direction décide le lock-out pendant une semaine. Aussitôt la tension monte : des défilés ont lieu, les grilles de la sous-préfecture sont arrachées, des incidents se produisent. Après une première majoration qui n'aboutit qu'à une satisfaction partielle des revendications (la direction a accordé 2 % d'augmentation), les salariés reprennent les grèves. Ce n'est que le 13 avril qu'un vote à bulletin secret ratifiera par 72 % de oui un nouveau projet d'accord qui prévoit, outre l'augmentation de 2 %, le versement d'une prime unique de 155 francs et quelques avantages annexes.

Le secteur public

Dans le secteur public ce sont les cheminots qui démarrent en septembre 1973 avec trois séries de grèves, trouvant dans des formes d'action par région un moyen efficace de peser, en désorganisant le trafic marchandises, sans pour autant gêner outre mesure le trafic voyageurs.