Achevé dans un climat étrange, fait de concertation fébrile, de demi-satisfactions, de promesses de justice et de menaces pour la rentrée, l'année sociale avait cependant commencé sous le règne de conflits d'entreprises souvent longs et durs.

Sécurité de l'emploi

À partir d'octobre 1973, licenciements et luttes sur l'emploi sont à la une de l'activité sociale. Les faillites et fermetures d'entreprises sont-elles plus nombreuses ? ou bien le conflit Lip mais aussi les problèmes d'énergie rendent-ils l'opinion plus attentive à ces phénomènes ?

Lip

Bien sûr, Lip est le plus important de ces conflits et celui dont l'impact est le plus fort. S'il démontre la volonté des salariés de rejeter la fatalité en matière d'emploi, ses enseignements sont beaucoup plus larges, et il servira constamment de point de référence pour un thème fondamental (la protection de l'emploi et le refus des démantèlements) et pour les méthodes de lutte (l'occupation des locaux).

Lip : dix mois de conflits

17 avril : démission du P-DG i. Saint-Esprit, successeur, en février 1971, de Fred Lip.

12 juin : les ouvriers séquestrent les deux administrateurs provisoires nommés par le tribunal de Besançon qui avaient déclaré ne pouvoir garantir « ni l'emploi ni l'intégrité de l'entreprise ». Dans les jours qui suivent, les ouvriers mettent en lieu sûr 25 000 montres.

16 juin : les ouvriers prennent en main la production et la vente des montres.

1er août : Jean Charbonnel, ministre du Développement industriel et scientifique, présente un plan de réorganisation qui est rejeté par les ouvriers et les cadres.

2 août : première paie sauvage organisée par la CFDT.

7 août : Henry Giraud, désigné par J. Charbonnel pour relancer le secteur horloger, ouvre des discussions avec les syndicats.

14 août : les forces de police occupent l'usine. Les ouvriers s'installent, deux jours plus tard, dans le gymnase Jean-Zay.

21 août : premières négociations à Arc-et-Senans.

28 août : Georges Séguy adresse une mise en garde aux ouvriers contre certaines tentatives de théorisation.

29 septembre : marche sur Besançon ; 40 000 personnes y participent.

12 octobre : rejet du plan Giraud à une majorité de 78 %.

13 octobre : Pierre Messmer déclare : « Lip, c'est fini, en ce qui me concerne ! »

20 novembre : un groupe d'industriels, dont Antoine Riboud (BSN) et Renaud Gillet (Rhône-Poulenc), soumet à l'Élysée un nouveau plan de relance.

4 décembre : F. Ceyrac, président du CNPF, confirme l'abandon du projet de relance en raison des réticences des pouvoirs publics.

27 décembre : J. Charbonnel charge Claude Neuschwander d'une mission exploratoire.

5 janvier 1974 : P. Messmer, à Sarrebourg, déclare à nouveau : « Lip, c'est fini ! »

14 janvier : C. Neuschwander présente son plan tandis que P. Messmer répète : « Lip, c'est toujours fini ! »

26 janvier : début des négociations entre les syndicats et José Bidegain, représentant un groupe d'industriels franco-suisses.

30 janvier : le protocole est approuvé par le personnel.

Le compromis

L'effectif de démarrage est de 300 personnes à la fin du mois de mars, il sera porté à 500 personnes au 1er septembre 1970. Quant au statut social, si l'échelle mobile en vigueur dans l'ancienne société est abandonnée, les anciens salaires et les primes de vacances sont maintenus. Les laissés pour compte provisoires bénéficient de facilités de formation ou de reconversion. Les poursuites judiciaires sont abandonnées contre les grévistes, qui restituent leur trésor de guerre.

Larousse

Alors même que le conflit Lip semble dans l'impasse, la fermeture de l'imprimerie de la Librairie Larousse à Montrouge est annoncée pour le 31 octobre. Selon la direction de la Librairie Larousse, « cette imprimerie est le seul élément négatif d'un groupe en pleine expansion et sa fermeture est imposée par l'évolution de la technique de l'imprimerie et par celle du marché du livre ». Peut-on obliger un éditeur à procéder à des investissements considérables pour renouveler des installations alors qu'il peut obtenir, à l'extérieur, des conditions meilleures à des tarifs concurrentiels ? Telle est la question posée pour une maison d'édition qui possède une imprimerie, mais dont ce n'est pas là la vocation première.