Les dirigeants agricoles reconnaissent toutefois qu'un certain rattrapage a été réalisé en 1972 et 1973, sans pourtant que le retard accumulé par rapport aux autres catégories socioprofessionnelles soit comblé.

Ils demeurent en tout cas préoccupés par les perspectives de cette année, et les deux hypothèses qu'ils avancent : une hausse générale des prix en 1974 de + 10 % ou de + 15 % les conduit à envisager une baisse de leur pouvoir d'achat de – 7 % ou de – 12 %.

Pour conserver de bonnes relations avec la population agricole française, V. Giscard d'Estaing devrait donc inciter son ministre de l'Agriculture à se pencher en priorité sur ce problème.

La diversification

De l'appétit britannique pour le secteur des industries agricoles et alimentaires, on se soucie moins en France en 1973. La menace d'une mise en coupe réglée du secteur agro-alimentaire par les financiers d'outre-Manche étant provisoirement écartée, les industriels français paraissent vouloir discuter plus librement avec les interlocuteurs anglais qui interviennent avec modération, encore que rue de Rivoli la vigilance soit de règle.

Quoi qu'il en soit, ce secteur a continué d'évoluer, et l'on ne dénombre pas moins de 115 accords, intervenus en 1973, qui utilisent toutes les ressources ouvertes aux sociétés : fusion, absorption, rachats, prises de participations, créations de filiales communes, etc.

Le dynamisme du secteur agroalimentaire est donc constant : il y a eu 111 accords en 1972, le record restant établi en 1970 à 128.

Accords

L'industrie laitière, avec 20 opérations contre 17 l'année précédente, s'est distinguée par rapport à la vaste branche de l'alimentation moderne : conserves, plats cuisinés, surgelés ; mais c'est incontestablement les vins et spiritueux qui ont le plus bougé en 1973, puisque 28 accords sont intervenus, contre 5 en 1972.

L'industrie laitière, qui est de loin la branche la plus dynamique de l'industrie alimentaire, poursuit sa concentration sur un rythme modéré mais sans erreur. Cela particulièrement dans le secteur coopératif. Le palmarès revient à l'Union laitière normande, qui a adhéré au groupe Nova, mais qui a aussi repris la branche laitière du groupe Cornic, en association avec Préval, filiale du groupe Perrier.

Genvrain, qui a été longtemps la première entreprise française laitière, a été démantelé ainsi que prévu. La branche Lait de consommation a été reprise par un pool de sociétés coopératives et privées, tandis que la branche produits frais était reprise par Unilever.

Les Britanniques n'ont réussi qu'une opération limitée, qui permet toutefois à Express-Dairy de s'installer sur le continent grâce aux services de distribution des Établissements J. Hutin.

1973 a vu se défaire partiellement des accords passés en 1972 entre des grands groupes polyvalents qui avaient cru pouvoir convoler dans le cadre d'activités semblables. C'était le cas, rappelons-le, avec l'entrée de la Générale occidentale dans la Générale alimentaire, et la fusion BSN-Gervais-Danone.

Une rupture est ainsi intervenue dans l'association Générale occidentale-Compagnie du Nord (groupe Rothschild), qui détenait le contrôle de la Générale alimentaire.

Le groupe Générale occidentale-Cavenham Ltd. a, dès lors, la majorité absolue de la Générale alimentaire, et James Goldsmith devra reprendre son projet de faire de la Générale alimentaire un vaste complexe capable de rivaliser avec Unilever et Nestlé.

Le centre national interprofessionnel de l'économie laitière (CNIEL)

Le principe d'une organisation interprofessionnelle laitière destinée à organiser, à rationaliser et à assainir une des plus importantes productions françaises a été arrêté lors de la conférence annuelle gouvernement-agriculteurs de juillet 1973. Le 9 janvier 1974, après avoir conduit avec beaucoup de célérité l'étude des statuts de cet organisme en collaboration avec l'Administration, les organisations professionnelles en annonçaient la naissance. À vrai dire, ce n'est qu'après le vote de l'Assemblée nationale – vraisemblablement vers la fin de la session de printemps – que le Centre national interprofessionnel de l'économie laitière (CNIEL) devrait être opérationnel. L'approbation du Parlement s'impose, en effet, dans la mesure où le CNIEL devra être éventuellement amené à prononcer des sanctions contre des producteurs, des transformateurs ou des commerçants qui se mettraient en infraction avec la nouvelle réglementation pour les produits laitiers. Mais l'objectif essentiel de ce centre est d'apporter aux producteurs de lait une sécurité professionnelle en leur garantissant un prix annuel régionalisé, c'est-à-dire qui tiendra compte des difficultés de production.

Polyvalents

Pour rester dans le cadre des groupes polyvalents, il convient de noter l'association de Perrier avec le groupe américain Heinz au sein d'une société commune qui pourrait elle-même se rapprocher de Lesieur. Cette dernière société a fait l'objet d'opérations boursières nombreuses, visant toutes, ces dernières années, la prise de pouvoir. En fait, la majorité actuelle de Lesieur, consolidée par la Banexi, a stoppé, semble-t-il, les ambitions de la minorité agissante d'Unipol (huiles concrètes, végétaline).