Valéry Giscard d'Estaing enfin parle de « continuité et de renouveau » ; il veut former une majorité nouvelle et plus large ; il n'attaquera, dit-il, personne et promet une détente politique, sociale, morale, garantie par une politique plus libérale et une gestion plus moderne, sûre et audacieuse. En somme, « le progrès sans le désordre », un style nouveau, plus jeune et plus alerte, auquel la technicité du ministre de l'Économie et des Finances (qui conservera d'ailleurs ces fonctions tout au long de la campagne) donne du poids et du sérieux.

Lorsque la liste des candidats est arrêtée définitivement, le 18 avril, ils sont douze, et il apparaît qu'il faudra de tous côtés compter avec des marginaux dont les vedettes craignent à bon droit l'influence sur le corps électoral. À gauche, François Mitterrand ne pourra négliger la présence d'Alain Krivine (Ligue communiste), Arlette Laguiller (Lutte ouvrière), seule femme en lice, et de l'écologiste René Dumont. À droite, Valéry Giscard d'Estaing risque d'être un peu gêné par Jean-Marie Le Pen (Front national), Bertrand Renouvin (monarchistes). Entre les deux, Jacques Chaban-Delmas devra compter surtout avec Jean Royer, maire de Tours, ministre démissionnaire des Postes et Télécommunications, qui a l'oreille des petits commerçants dont il s'est fait le défenseur. Enfin on ne sait trop à qui prendront des voix, même s'ils en recueillent peu, Emile Muller, député réformateur et maire de Mulhouse (démocrate-socialiste), et deux fédéralistes européens, Guy Héraud et Jean-Claude Sebag. Encore les candidatures ont-elles risqué un moment d'être plus nombreuses puisqu'on a enregistré plusieurs renonciations, dont celle de Christian Fouchet, et plusieurs refus du Conseil constitutionnel, dont l'un visait un régionaliste, Robert Lafont.

Très vite (les sondages le disent dès le 12 avril) Valéry Giscard d'Estaing devance légèrement Jacques Chaban-Delmas (28 % contre 26 %), tandis que François Mitterrand est crédité au départ de 40 % des intentions de vote et Jean Royer de 5 % seulement.

Les douze candidatures retenues

Une trentaine de candidatures ont été dénombrées dans les jours qui ont suivi le décès de Georges Pompidou. Quatorze dossiers seulement ont été examinés par le Conseil constitutionnel, qui, après vérification, en a retenu douze. Le jeudi 18 avril, le président du Conseil constitutionnel rendait publique la liste des candidats retenus ; il s'agissait de :
Jacques Chaban-Delmas, ancien Premier ministre, député de la Gironde, maire de Bordeaux ;
René Dumont, professeur à l'Institut national d'agronomie, présenté par les mouvements écologistes ;
Valéry Giscard d'Estaing, ministre d'État chargé de l'Économie et des Finances, leader des Républicains indépendants ;
Guy Héraud, professeur de droit à la faculté de Pau, présenté par le Parti fédéraliste européen ;
Alain Krivine, candidat du Front communiste révolutionnaire (trotskiste) ;
Arlette Laguiller, candidate de Lutte ouvrière (trotskiste) ;
Jean-Marie Le Pen, candidat du Front national ;
François Mitterrand, député de la Nièvre, maire de Château-Chinon, candidat commun de la gauche ;
Émile Muller, député réformateur du Haut-Rhin, maire de Mulhouse, présenté par le Mouvement démocrate socialiste de France (MDSF) ;
Bertrand Renouvin, membre du comité directeur de la Nouvelle Action française (mouvement monarchiste), candidat à titre personnel ;
Jean Royer, ministre démissionnaire des Postes et Télécommunications, maire de Tours, indépendant ;
Jean-Claude Sebag, avocat au barreau d'Aix-en-Provence, présenté par le Mouvement fédéraliste européen ;
Robert Lafont, représentant les mouvements autonomistes, et André Roustan, le parti communiste révolutionnaire, ont vu leur candidature rejetée après examen de leur dossier.

Le premier tour (5 mai)

L'importance des sondages, tout au long de la campagne, ce sera l'une des leçons de ce scrutin et ensuite l'un des thèmes de vives controverses sur leur réglementation, voire leur interdiction. Jour après jour, en effet, la cote des grands candidats enregistre les fluctuations provoquées par leurs interventions, par les duels qui les opposent sur les ondes, par la tonalité de leur campagne. Tandis qu'ils sillonnent les pays, multiplient des réunions, les conférences de presse, les interventions sur les ondes, mènent une énorme campagne d'affiches, de tracts, la télévision s'efforce de pallier l'insuffisance notoire des émissions officielles par de nombreux reportages et relations souvent intéressants et soigneusement équilibrés.