Quelques entrevues, notamment avec Jacques Chaban-Delmas le 21 février, d'ultimes conférences avec les principaux membres du gouvernement, un dernier conseil des ministres le 27 mars : les interventions et les propos de Georges Pompidou en ces occasions prendront rétrospectivement l'allure d'un adieu et presque d'un testament politique. Frappé le samedi 30 mars d'une septicémie aiguë et soudaine, sinon imprévue, le second président de la Ve République s'éteint le mardi 2 avril au soir, laissant une situation politique confuse ainsi qu'on va, très vite, le constater.

Bataille des candidatures

Nul ne doute que Valéry Giscard d'Estaing sera sur les rangs. Il ne se presse pas cependant, et ce n'est que le lundi 8 avril, après toutes les cérémonies à la mémoire du président disparu, qu'il annoncera sa candidature.

On ne se demande pas longtemps, en revanche, si Jacques Chaban-Delmas, qui s'y prépare quasi ouvertement depuis plusieurs années, briguera l'Élysée : lui, c'est dès le 4 qu'il fait savoir, pendant même que l'Assemblée nationale rend hommage à Georges Pompidou, qu'il est candidat. Cette hâte lui sera d'ailleurs finalement dommageable. Elle lui a permis toutefois de prendre de court Edgar Faure, à son tour en lice le 4 au soir, mais de façon presque hésitante.

À gauche, cependant, la situation est plus claire, et on sait bien que François Mitterrand portera les couleurs des socialistes, des communistes, des radicaux de gauche et, cette fois, du PSU, ainsi que de la CFDT et de la Fédération de l'éducation nationale qui, pour la première fois, entrent ouvertement aux côtés de la CGT dans une bataille électorale. Par dizaines, des intentions de candidature, parfois sérieuses, parfois fantaisistes, sont annoncées.

Ainsi croit-on un moment qu'il y aura quatre candidats principaux, dont trois qui se situent à l'intérieur de la majorité. Pourtant les choses n'en resteront pas là. Car on sent aussi que l'appui donné par l'UDR à Jacques Chaban-Delmas ne va pas sans grandes réticences. On voit encore que le ministre de l'Intérieur, Jacques Chirac, souhaite une candidature unique de la majorité à la condition qu'il ne s'agisse pas de celle du maire de Bordeaux. Lié pendant une semaine par la promesse qu'il avait faite à Jacques Chaban-Delmas de n'être pas candidat contre lui, Pierre Messmer rompt enfin, le mardi 9 avril, le silence qu'il observait et qui, visiblement, lui pesait. Il fait savoir qu'il est prêt à relever le défi face à François Mitterrand si les trois candidats éventuels de la majorité se retirent. Le Premier ministre n'est pas entendu. Seul Edgar Faure, qui, pris entre les modérés et l'UDR, cherchait une issue, saisit la balle au bond et annonce son retrait. Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chaban-Delmas décident de se maintenir ; P. Messmer, candidat d'un jour, s'efface.

Il apparaîtra clairement par la suite que, dès ce moment, Edgar Faure a rendu un grand service au candidat modéré en tenant la place qu'aurait pu occuper un autre représentant du centre, Jean Lecanuet ou Jean-Jacques Servan-Schreiber par exemple, voire le président Poher qui assume avec dignité et mesure l'intérim de l'Élysée. De plus, la fixation par le conseil des ministres au 5 mai, et non au 28 avril, de la date du premier tour des élections favorisera Valéry Giscard d'Estaing, qui ne prend aucune part aux manœuvres dont l'UDR paraît être le seul théâtre. Ainsi, à l'initiative de Jacques Chirac, plusieurs membres du gouvernement Messmer et trente-neuf députés signent un appel dit des quarante-trois, qui à la fois témoigne des divisions de l'UDR et de la majorité, et, énonçant quelques principes fondamentaux, apporte en fait un soutien indirect mais objectif à Valéry Giscard d'Estaing aux dépens de son concurrent gaulliste.

Les ralliements et les prises de position se succèdent dès lors rapidement tandis que chacun des candidats commence à préciser les principaux points de son programme et ses intentions. À gauche, François Mitterrand résume sa campagne en cinq grands thèmes : des hommes plus libres ; une société plus juste ; une monnaie plus forte ; un peuple plus fraternel ; une France plus présente ; il annonce que, s'il l'emporte, son Premier ministre sera un socialiste, tandis que Georges Marchais fait savoir que le PC recevra pour sa part le tiers des postes ministériels. Pour Jacques Chaban-Delmas, le premier slogan est « un nouveau départ pour une nouvelle société », et lui aussi énumère de grands thèmes d'action formulés en termes solennels : libérer le citoyen, développer la démocratie et la responsabilité, rétablir l'égalité des chances, améliorer la condition de l'homme au travail, etc.