Mais le renchérissement de l'énergie remet tout en cause. Le secteur transports et communications représente une consommation annuelle d'énergie de 44 millions de tonnes d'équivalent charbon ; dans ce total, le rail intervient pour 7 %, la route pour 68 % – une différence propre à attirer l'attention. D'autre part, pour transporter une tonne de marchandises sur un kilomètre, un tracteur routier à semi-remorque consomme 170 thermies, une locomotive Diesel, 42, une locomotive électrique, 18. De tels écarts pouvaient naguère passer au deuxième plan ; ce n'est plus le cas maintenant.

Aussi le marché des transports est-il marqué par un certain désordre et de nombreuses incertitudes. Au début de 1974, sous le coup de la hausse de l'essence, on estimait que 10 % des automobilistes parisiens avaient abandonné leur véhicule au profit des transports en commun. Sur ses grandes lignes, la SNCF (après une bonne année 1973 : + 7,6 % pour le trafic marchandises, + 3 % pour le trafic voyageurs) enregistrait une augmentation de 7 à 8 % de sa clientèle et des phénomènes de saturation dans son trafic de marchandises. On n'excluait pas le retour à l'équilibre entre le rail et la route.

Mesures

Du côté des compagnies aériennes, confrontées d'ailleurs à d'autres problèmes (mise en service de nouveaux avions, installation à Roissy, grève des pilotes au printemps), la hausse des coûts d'exploitation commandait une sévère politique d'économie, sans laquelle Air France prévoyait 500 millions de francs de déficit pour 1974. Le transport maritime avait connu un remarquable exercice 1973, grâce à la progression de 11 % du commerce mondial et à la hausse des prix des frets ; la crise énergétique risquait d'inverser la situation.

Bref, si personne ne se risquait à faire des pronostics, il était évident qu'on assistait à un renversement des priorités, en particulier dans le domaine des transports terrestres. La question est donc de savoir si, politiquement, l'adaptation a été faite.

Annoncées avec éclat, les mesures Messmer ont pu paraître décevantes : priorité aux transports en commun, mais vitesse limite repoussée à 140 km/h sur les autoroutes, pour éviter de nuire à l'automobile et à l'industrie qui en vit. Financièrement, ces mesures n'ont effectivement pas une ampleur exceptionnelle :
– quarante millions de francs ont été octroyés à la RATP pour l'achat d'une quarantaine de voitures de métro. Or, le programme normal d'investissement de la Régie atteint 1 570 millions (en 1974), et ce sont 1 100 voitures qui sont déjà commandées pour les trois années à venir ;
– deux cent cinquante-cinq millions de francs à la SNCF, pour l'achat de matériel roulant et pour des travaux d'équipement : ce cadeau représente moins de 10 % de l'effort d'investissement des cheminots, qui comptent investir 2,9 milliards en 1974 ;
– décision de réaliser la nouvelle ligne Paris-Lyon à grande vitesse pour 1980 ; sur cet axe saturé en voyageurs et en marchandises, cette opération, d'un coût évalué à 2,5 milliards de francs, apparaît importante et rentable tant pour la collectivité que pour la SNCF. Mais elle non plus n'est pas démesurée par rapport au volume normal des investissements de chemins de fer, d'autant moins que son financement s'étalera sur cinq ou six ans.

Voilà qui ne traduit donc pas un revirement de politique. Mais il serait aussi injuste d'affirmer que ces mesures constituent seulement une pincée de poudre aux yeux, destinée à cacher le désintérêt des pouvoirs publics à l'égard des transports collectifs ou du rail.

Investissements

En vérité, la France a cessé de s'en désintéresser depuis plusieurs années, comme le démontre l'évolution des investissements qui y sont réalisés. Quasi nuls avant 1965, ceux de la RATP atteignaient le milliard de francs en 1971, et deux milliards sont prévus pour 1975. À la SNCF, après s'être maintenus autour de 1,5 milliard jusqu'en 1971, les investissements annuels grandes lignes se chiffrent à 2,6 milliards pour 1974 ; mais la banlieue a connu le plus fort accroissement, puisque le niveau des investissements y a quintuplé en quatre ans (576 millions en 1974).