– les firmes multinationales ne s'implantent pas systématiquement dans les zones industrialisées. Bien au contraire, certaines d'entre elles jouent d'ores et déjà la carte des régions périphériques de l'Ouest et du Sud-Ouest, qui ont accueilli la moitié des emplois nouveaux créés ces dernières années. Ford, Siemens à Bordeaux, SKF en Vendée, Motorola à Toulouse et à Rennes, tout récemment Eaton (mécanique) à Nantes, les fabricants de matériel téléphonique à Brest et à Dinard sont là pour le prouver.

Les grandes entreprises ont un besoin vital d'espace et de main-d'œuvre (quitte à la former elles-mêmes). De plus, certaines d'entre elles n'ont pas besoin d'être à proximité de leur marché (c'est-à-dire au cœur de l'Europe) et n'ont pas envie d'être localisées dans une banlieue engorgée et polluée. Autant de raisons pour elles de miser sur les régions françaises périphériques.

La future localisation sur la côte atlantique de nombreuses centrales nucléaires peut attirer beaucoup d'entreprises consommatrices d'énergie et, par conséquent, renforcer cette tendance. L'enrichissement des régions concernées par apport extérieur est d'ailleurs en train de modifier à la fois leurs vocations traditionnelles (l'immobilier, le commerce, l'agriculture) et les comportements de leurs dirigeants.

Comme le fait remarquer Jérôme Monod, délégué à l'Aménagement du territoire et à l'action régionale : « Nous allons voir que les gens qui se battent aujourd'hui à Nantes, Béziers ou Angers donneront des leçons à la France. » Si l'on peut effectivement penser que la distribution spatiale des activités économiques en France ne sera pas celle de la France aux frontières, il n'en restera pas moins des trous sur la carte (notamment dans le Centre et le Sud-Ouest), c'est-à-dire des minirégions qui n'ont aucune vocation affirmée et qui ne pourront que décliner. Sur ce plan du moins, l'Otam devrait avoir raison ;

– la politique d'aménagement du territoire a modifié sensiblement l'équilibre des forces sur le territoire français. Et d'abord le poids écrasant de Paris. Certaines statistiques récentes indiquent en effet un net ralentissement de la croissance explosive de la région parisienne. De 1969 à 1973, l'emploi salarié a progressé moins vite qu'en province. De plus, en 1971 et en 1972, non seulement les effectifs occupés dans l'industrie n'ont pas augmenté, mais ils ont subi une légère décroissance (– 9 200 en 1971 et – 23 000 en 1972). On compte même deux départements – celui de Paris et celui des Hauts-de-Seine – où le nombre global des emplois, y compris dans le tertiaire, a légèrement diminué. En réalité, la politique de décentralisation n'est pas ici seule responsable de ces diminutions d'emplois. Il faut tenir compte aussi bien de la rénovation de certains quartiers et des grands travaux qui obligent les entreprises à sortir du tissu urbain le plus dense pour s'installer sur des zones périphériques, que de la politique délibérément mise en œuvre pour redistribuer les activités à l'intérieur de la région parisienne.

Restrictions

Pour Jérôme Monod, « nous ne verrons jamais le Paris tentaculaire de 14 millions d'habitants en l'an 2000. Au contraire, nous maîtrisons désormais sa croissance. 1974 sera l'an I de la lutte contre le Scénario de l'inacceptable en région parisienne ».

Autre décloisonnement du pays, dû à une politique volontariste : l'avenir des villes moyennes (de 30 000 à 50 000 habitants) sera assis sur des contrats d'aide établie avec l'État. Quarante-sept villes ont déjà signé de tels contrats. Leur rôle sera renforcé notamment par la décentralisation de certaines activités tertiaires, surtout administratives. De plus, les villes moyennes profiteront de leur représentation (proportionnellement plus forte que celle des grandes villes) au sein des conseils régionaux.

Il y a là une carte à jouer dont la conséquence peut être de freiner de manière significative le pouvoir d'attraction des grandes métropoles.

Enfin, certaines opérations spectaculaires, comme l'aménagement de Fos (et l'industrialisation qui démarre très rapidement au nord de l'embouchure du Rhône et autour d'Alès), la création du centre de recherches de Sophia-Antipolis dans les Alpes-Maritimes, l'aménagement du littoral aquitain, peuvent fort bien réussir, décloisonner les régions environnantes... et faire mentir les auteurs du Scénario de l'inacceptable.