Tel est le bilan provisoire de cette recherche à propos du virus de l'herpès II. Mais, comme le remarquait Epstein lui-même dans un texte récent, « il reste à déterminer si cette association virus de l'herpès II-cancer est une pure coïncidence ou si elle indique une relation causale ».

Dans le premier cas, le cancer constituerait un terrain réceptif pour le virus de l'herpès ; dans le second cas, le virus de l'herpès pourrait, dans certaines conditions, jouer le rôle d'inducteur après être resté, pendant des années, en état de latence dans l'organisme de l'hôte. Choisir entre ces deux hypothèses ou, plus exactement, prouver le bien-fondé de l'une ou de l'autre constitue l'une des tâches des virologues du cancer pour les années à venir.

Promesse

Cette recherche sur une étiologie virale possible du cancer ne doit pas laisser dans l'ombre une autre recherche, d'intérêt thérapeutique apparemment plus immédiat, celle sur les chalones, substances découvertes en 1960 par les Anglais William Bullough et Edna Laurence.

Elles ont fourni en 1973 le thème de trois congrès internationaux, deux en Angleterre, le troisième à Moscou. Bien que leur existence n'ait pas encore été prouvée de façon irréfutable, les chalones suscitent un intérêt croissant, en raison de leurs applications éventuelles : mise au point de traitements antirejet dans les greffes d'organes, blocage de la prolifération cellulaire dans les tumeurs malignes, par exemple.

Né en 1913, le terme chalone (du grec : ralentir un bateau) caractérisait alors le contraire d'une hormone, c'est-à-dire une substance inhibitrice de fonctions organiques. Mais ce premier sens eut peu de succès. Cinquante ans plus tard, le mot allait désigner une substance naturelle empêchant la division cellulaire (mitose).

Il s'agissait donc d'une nouvelle classe de messagers, ou médiateurs chimiques, produits spécifiquement par les tissus et contrôlant la masse de ceux-ci grâce à leur action inhibitrice sur la mitose.

Le concept de chalone est né de l'étude des processus de régénération des tissus. L'ablation des deux tiers de la masse du foie, par exemple, est suivie par une intense activité mitotique qui, en huit jours, restaure la totalité de l'organe amputé. La peau est constituée d'une couche de base à forte activité mitotique. Les cellules profondes se différencient (production de kératine) et migrent vers l'extérieur, où elles se stabilisent puis meurent (desquamation).

Comme dans le cas du foie sain, un équilibre s'établit entre le nombre de cellules produites et le nombre de cellules qui disparaissent ; mais une banale égratignure appelle aussitôt le phénomène de la cicatrisation par production accrue de cellules au niveau de la lésion. Ces observations montrent qu'au moment de l'agression les cellules épargnées sont informées du déficit cellulaire qui vient de se produire : cette information se traduit dans l'instant par la multiplication massive de cellules jusque-là au repos ; enfin, le tissu est encore averti de l'état des choses dès que la masse initiale est pleinement reconstituée.

Dans le cas de la régénération de la peau, il est bien connu que l'épiderme normal contient une substance inhibitrice de la mitose. La concentration d'inhibiteur diminue au niveau de la blessure, d'où prolifération cellulaire.

Action

La substance en question serait induite par l'épiderme même. Dépourvue de toxicité, elle est inactive sur d'autres tissus. Elle a surtout été isolée chez le rat, mais elle agit chez d'autres espèces. Elle se trouve en circulation dans le sang. La chalone dermique reste donc la mieux caractérisée du point de vue chimique. Il s'agirait d'une glycoprotéine de poids moléculaire 30 000.

Onze chalones différentes ont été toutefois décrites, qui correspondent à des éléments figurés du sang, des glandes sébacées, du rein, du poumon, du tube digestif.

On ne sait pas encore comment agit une chalone. Mais les possibilités d'action sont multiples sur le cycle de la division cellulaire. Lorsque la cellule se trouve dans la phase dite S du cycle, elle a doublé son stock d'ADN qui est contenu dans les chromosomes, et elle est prête à entrer dans une phase G2, qui prépare la division cellulaire, ou phase M.