Une légère difficulté subsistait pourtant : le passage des molécules organiques primitives (azote, ammoniac, eau, gaz carbonique...) aux biomonomères ne s'opère efficacement que si l'atmosphère est plus chargée en méthane qu'en gaz carbonique. En était-il ainsi de l'atmosphère terrestre au moment de l'apparition de la vie ? Ce n'est pas sûr. L'atmosphère actuelle de la planète Vénus, par exemple, est constituée essentiellement de gaz carbonique.

Cette difficulté vient d'être levée par les progrès de la radioastronomie. Dans tout le ciel, et notamment dans la nébuleuse d'Orion, on a décelé la présence de nombreuses molécules biomonomériques importantes : formaldéhyde, cyanogène, cyanoacétylène, acétaldéhyde. À partir de ces molécules, ainsi que l'écrit Melvin Calvin, « on peut concevoir la formation de presque toutes les matières dont l'organisme a besoin ».

Les expériences poursuivies pendant des années en laboratoire pour simuler la synthèse des biomonomères apparaissent presque inutiles. Ils préexistent en abondance dans l'espace interstellaire. Il s'en est donc trouvé à l'intérieur même de la Terre primitive, et, sortant à la surface des eaux au moment où les conditions physiques étaient devenues favorables, ils ont formé les polymères du vivant.

Extraterrestres

Comment ces polymères se sont associés en structures cellulaires, c'est un problème que d'autres recherches serrent de plus en plus près. En attendant de prochaines découvertes dans ce domaine qui ressortit à la biochimie, il est remarquable que l'étude de l'espace interstellaire apporte de si forts arguments à ceux qui, tels en France René Buvet ou Ernest Kahane, en Belgique Prigogine, ne souscrivent pas à la thèse de Jacques Monod, pour qui l'apparition de la vie sur la Terre a été un hasard hautement improbable et unique dans l'Univers.

L'apparition de la vie semble au contraire résulter de lois générales d'organisation de la matière, qui ont dû jouer partout où se sont rencontrées les molécules appropriées. Et, puisque celles-ci préexistent dans l'Univers, la synthèse et l'évolution d'organismes vivants sur d'autres astres que le nôtre n'apparaissent nullement (c'est le moins qu'on puisse dire) comme invraisemblables aux yeux de la science.

Interactions ADN-protéines : un grand pas en avant

La cellule vivante est une usine chimique dont les opérations sont programmées dans les chromosomes sous forme de gènes, unités d'information constituées de molécules d'ADN (acide désoxyribonucléique). L'information est transmise aux laboratoires de la cellule (les ribosomes) par des molécules d'ARN (acide ribonucléique).

Cette transmission est modulée selon les besoins de la cellule : tout le programme n'est pas appliqué en même temps. François Jacob et Jacques Monod ont reçu le prix Nobel (en 1965) pour avoir élucidé le mécanisme qui, chez le bacille Escherichia coli, règle la production de trois protéines-enzymes nécessaires au métabolisme d'un sucre, le lactose. Grâce à ces enzymes, la cellule divise le lactose en glucose et galactose, étape initiale d'une série de transformations qui lui permettent d'utiliser l'énergie de ces sucres.

Répresseur

Quand la cellule ne contient pas de lactose, une enzyme spéciale, le répresseur (Journal de l'année 1966-67), vient bloquer les gènes qui commandent la synthèse des enzymes traitant le lactose. La présence de lactose lève le blocage et déclenche l'activité des gènes, dont le rendement peut encore être accru, si la cellule contient très peu de glucose, par l'intervention d'une autre protéine-enzyme, dite CAP.

L'ensemble des gènes qui constituent ce mécanisme est l'opéron. Le répresseur se fixe en un point précis de l'opéron, dit opérateur ; il en est de même pour la protéine-enzyme CAP.

Ce type de régulation de l'activité des gènes, découvert sur l'opération lactose, est maintenant connu pour de nombreux systèmes de synthèse chez des bactéries ou des virus. Les gènes des organismes supérieurs fonctionnent (bien qu'avec plus de complexité) de façon identique.