Une des conséquences les plus remarquables en est la révision des idées acquises sur l'instinct maternel et le lien entre la mère et l'enfant, avec la remise en cause, cette année, des notions fondamentales de la psychanalyse.

Attachement

En expérimentant sur de jeunes singes rhésus séparés de leur mère dès la naissance, l'Américain H. F. Harlow a montré que le besoin fondamental n'est pas (comme l'enseignent les freudiens) la quête de nourriture, dont la satisfaction accompagnerait le développement libidinal et conditionnerait les premières formes d'érotisme.

La pulsion fondamentale, innée, antérieure à toute quête de nourriture, et en tout cas indépendante d'elle, est le besoin d'attachement à autrui, qui, dans les conditions ordinaires, se fixe normalement sur la mère, mais peut aussi, selon les circonstances, trouver d'autres objets de fixation. Déjà chez le nouveau-né la recherche de contact, de proximité avec la mère prime la faim.

Tout donne à penser que cette découverte faite sur le petit singe est valable pour le bébé humain. Elle a agi comme un décapant sur les constructions théoriques antérieures, et déclenché chez certains psychanalystes (surtout anglo-saxons) une évolution qui les éloigne de l'orthodoxie freudienne, les rapprochant parfois d'autres psychiatres ou psychologues tels qu'en France René Zazzo.

Si, comme le pensent les éthologistes, l'attachement, avec les comportements qui en découlent, est génétiquement programmé au moins chez les vertébrés homéothermes, particulièrement chez les primates, on est conduit à abandonner comme inutile la construction freudienne qui le rattache à la satisfaction alimentaire, avec fixation sur des zones érogènes.

Plus encore : tout en conservant, bien entendu, un rôle important dans la genèse du psychisme individuel, la sexualité perd le pouvoir démesuré que lui attribuait la psychanalyse, pour qui l'attachement à autrui, l'amour ne peuvent être que déguisement ou sublimation de la libido. Les conséquences d'un tel changement de perspectives ne sont pas seulement théoriques : elles ne peuvent manquer d'affecter la pédagogie et la psychiatrie, et d'intéresser les sociologues.

Discussion

La notion d'attachement comme déterminisme biologique de base a fait l'objet, au cours de l'année 1973, d'une sorte de colloque épistolaire international, auquel on notamment pris part, en France, René Chauvin, Cyrille Koupernik, René Zazzo, Lebovici. Rassemblés et publiés quelques mois plus tard, les matériaux de cette discussion serviront certainement de tremplin à de nouvelles recherches.

Les éthologistes à l'origine de ce développement scientifique y trouveront une justification de leurs efforts.

Cependant, comme toute discipline récente, l'éthologie est entrée dans une phase d'évolution qui laisse un peu en arrière les pères fondateurs, à qui l'on reproche un certain schématisme dans leurs modèles de comportements. À la 13e conférence internationale d'éthologie, qui s'est tenue à Washington en août 1973, ni Lorenz ni Tinbergen n'étaient présents.

Les molécules de la vie dans l'espace cosmique

Faisant appel à de nombreuses disciplines (notamment à la biochimie, à la thermodynamique et à l'astrophysique), les recherches sur l'origine de la vie progressent dans la voie jadis ouverte par Alexandre Oparine : dans l'atmosphère terrestre primitive, une évolution chimique a précédé l'évolution biologique (Journal de l'année 1969-70).

Biomonomères

Depuis la réussite historique de Stanley Miller, synthétisant dans un ballon, à l'aide de décharges électriques, un grand nombre de molécules organiques parmi lesquelles des acides aminés, une série d'expériences ont été conduites, notamment par Cyril Ponnamperuma et Melvin Calvin. Elles ont montré qu'en libérant n'importe quelle forme d'énergie dans un mélange gazeux comparable à l'atmosphère terrestre il y a quelque quatre milliards d'années (et à l'atmosphère actuelle des grosses planètes) on obtient la plupart des biomonomères (c'est-à-dire des molécules isolées) qui, s'assemblant plus tard en polymères, ont constitué les protéines et les acides nucléiques. Enfin, plusieurs chercheurs (Orgel aux États-Unis, Katchalsky en Israël) ont réalisé cette synthèse non seulement en laboratoire, mais en laissant au soleil, dans des régions de climat extrême, un mélange d'acides aminés et de diverses autres substances.