Cette décentralisation, après mise au point des décrets d'application, devrait entrer en vigueur le 1er janvier 1975.

Côté financier, la situation n'est guère brillante. En novembre 1973, Marceau Long est entendu par la Commission sénatoriale des Affaires culturelles. Il révèle que l'Office est dans la nécessité de dégager un supplément de ressources de 51 millions de francs, qui, après emploi des 24 millions de la provision budgétaire, se trouverait réduit à 27 millions. Les recettes de l'Office se sont, en 1973, trouvées affectées d'une moins-value de 8 millions, due au retard dans la perception de la redevance. Cette moins-value pourra être compensée par des recours à la trésorerie et une demande d'avance à la Régie française de publicité. En plus du report du déficit de 27 millions en solde de l'exercice 1973, le budget 1974 devra tenir compte du déséquilibre entre les recettes et les dépenses prévisibles. Marceau Long envisage 130 à 140 millions comme total théorique des charges supplémentaires.

La tour abandonnée

Le conseil d'administration, réuni le 26 février 1974, décide de renoncer à la construction, sur le Front de Seine, d'une tour de 128 mètres de haut, destinée à regrouper les services de l'actualité télévisée. Ce projet remonte à novembre 1971.

Nouvelle réorganisation

Une grève de trois semaines (30 mai-25 juin), les programmes radio et télévision bouleversés, les difficultés financières de l'Office mises en relief par le rapport Chinaud ont, fin juin, reposé de manière urgente le problème de l'ORTF. À la faveur des « erreurs de gestion » mentionnées dans le rapport, les partisans d'une privatisation (parmi lesquels des responsables de l'Administration) ont relancé une campagne pour un démantèlement du monopole. On a parlé à cette occasion du passage d'une des chaînes dans le secteur privé. Le gouvernement devait décider de la réorganisation le 3 juillet 1974.

Programme

Les fêtes de fin d'année s'étalent sur deux longs week-ends, mais un programme spécial est prévu dès le 17 décembre. La série Lucien Leuwen réalisée par Claude Autant-Lara, Roméo et Juliette mis en images par Claude Barma, l'Avare de Molière interprété par la troupe des Comédiens-Français, La nuit des rois de Shakespeare, Musidora de Jean-Christophe Averty, plusieurs Au théâtre ce soir (dont certains en deuxième diffusion), de nombreux films, une opérette avec Georges Guétary (Monsieur Pompadour) marquent ce qu'il est convenu d'appeler les grands moments du festival.

Dès le 2 janvier 1974, sur décision du Premier ministre, en raison de la crise de l'énergie, les programmes des chaînes 1 et 2 (la 3 est une couche-tôt) se terminent à 23 heures, sauf les samedis et veilles de fêtes. Toutes les grandes émissions sont maintenues à leur place habituelle, quelques-unes sont réduites : Les dossiers de l'écran, de quarante-cinq minutes, Le grand échiquier, d'une heure ; certaines, musicales et culturelles, sont déplacées de la fin de soirée au samedi et au dimanche après-midi. Le Ciné-Club subsiste le dimanche soir. Ces changements correspondent à la suppression annuelle de cent quatre-vingt-sept heures de programme. Compte tenu du coût moyen horaire d'une émission, cela représente une économie de 20 750 000 F et de 65 000 kWh, soit moins de 0,01 % de la consommation électrique nationale quotidienne.

Plusieurs critiques s'inquiètent. L'amputation du secteur culturel ne conduit-elle pas à la sclérose d'un domaine qui se devrait d'être l'un des plus riches ? Dans l'ensemble, le public réagit assez peu à ces modifications, et la nouvelle grille est rapidement adoptée, sans que l'on sache s'il faut y voir du civisme, de la résignation ou du désintérêt.

Sur les chaînes 1 et 2, les variétés restent le problème majeur. Seul Jacques Chancel et son Grand Échiquier semblent rallier un large public. Le Domino de Guy Lux n'est plus un événement de l'ampleur des Palmarès de jadis. Jacques Martin et son Taratata s'épuisent pour ne pas sombrer, Pierre Doris et Henri Salvador irritent au moins autant de spectateurs qu'ils en séduisent. Le parisianisme et l'agressivité coutumière de Philippe Bouvard exaspèrent mais charment certains. Top à..., recette bien mitonnée, façon Maritie et Gilbert Carpentier, est d'un intérêt en dents de scie selon la personnalité de l'invité. Une fois encore Jean-Christophe Averty donne, avec son show Montand de mon temps, une preuve de son savoir-faire. Jacques Ertaud montre, avec Trenet-vision, une illustration au contraire très discutable.

Réussites

Côté dramatiques, la crise s'accentue. Au théâtre ce soir (huit ans déjà) permet au théâtre de boulevard de se survivre. Beaucoup lui reprochent, souvent à juste titre, un nivellement du goût par le bas. La direction en apprécie le faible prix de revient : 200 000 F en moyenne contre 450 000 F pour une petite dramatique et environ 2 000 000 pour une émission de prestige ! Le public se plaint quelquefois de l'abondance des dramatiques à perruques et du nombre restreint de sujets contemporains. Les auteurs se lamentent sur les lenteurs de l'Administration et les tarifs pratiqués ; les directeurs regrettent l'absence de bons auteurs. C'est sans doute ce qui amène un nombre important d'adaptations de textes ayant fait leurs preuves dans l'édition : Génitrix de François Mauriac, La mort en face d'Emmanuel Roblès, Petite Flamme dans la tourmente de Soljenitsyne, Les écrivains de Michel de Saint-Pierre. Quelques exemples de réussite : Les trois morts d'Émile Gauthier, Président Faust, L'inconnu.