Des œuvres innocentes et sans prétention comme Mais où est donc passée la 7e compagnie ? de Robert Lamoureux, Je sais rien, mais je dirai tout de Pierre Richard, les derniers avatars des Charlots (Le grand bazar, Les quatre Charlots mousquetaires et À nous quatre, cardinal), Les gaspards de Pierre Tchernia, La valise de Georges Lautner, voire l'aimable Salut l'artiste d'Yves Robert appellent peu de commentaires. La présence en tête du box-office des Valseuses de Bernard Blier et des Chinois à Paris de Jean Yanne (ce dernier film a été loin de répondre aux espoirs de ses producteurs sur le strict plan commercial) permet de s'étonner. Dans Les valseuses, tout est fait pour donner au public quelques délicieux frissons, ravi par les péripéties amorales et décontractées de deux petits voyous en cavale. Les valseuses auront néanmoins permis à un jeune comédien, Gérard Depardieu, de se glisser avec punch et apparente désinvolture dans le peloton des grandes vedettes. Quant aux Chinois à Paris, c'est plus un document sociologique que proprement cinématographique. La critique, dans son ensemble, ne s'y est pas laissé prendre et a condamné cette apologie de la débrouillardise et cette satire des Français. Quant au public, après avoir été un temps abusé par une campagne publicitaire tapageuse, il a finalement boudé ce film ni drôle ni même corrosif.

Échecs

La saison cinématographique reste fertile en échecs. Échecs artistiques et échecs commerciaux. On regrettera plus la faillite de L'événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la Lune, de Jacques Demy, que celle, prévisible, du Piaf de Guy Casaril ; on sera plus déçu par l'erreur ambitieuse de René Allio dans Rude journée pour la reine que par celle de Jacques Baratier dans Vous intéressez-vous à la chose ? Aux films-mode comme le Daddy de Niki de Saint-Phalle ou Glissements progressifs du plaisir d'Alain Robbe-Grillet s'opposent des films trop démodés pour être vraiment touchants comme Un amour de pluie de Jean-Claude Brialy. Jean-Pierre Mocky, dans L'ombre d'une chance, s'est montré inférieur à sa réputation en deçà de ses intentions délibérément anarchiques. Claude Chabrol, dans Nada, a mis en scène des révolutionnaires bien peu convaincants. Yves Boisset, dans RAS, a esquissé une timide description de la guerre d'Algérie sans pour autant convaincre.

C'est avec beaucoup de réserves également qu'il convient de parler de Défense de savoir (de Nadine Trintignant), du Mariage à la mode (de Michel Mardore), de Projection privée (de François Leternier), du Train (de Pierre Granier-Deferre), d'Antoine et Sébastien (de Jean-Marie Périer), du Mouton enragé (de Michel Deville), du Trio infernal (de Francis Girod). Beaucoup de qualités (cette fameuse « qualité psychologique » qu'on prête au cinéma français), mais peu d'audaces véritables, même lorsque le scénario se veut audacieux.

Talents

Les jeunes réalisateurs ont beaucoup de mal à s'imposer, mais il faut saluer les premiers essais de Marco Pico (Un nuage entre les dents), de J.-C. Tachella (Voyage en Grande Tartarie), de Georges Pirec et Bernard Queysanne (L'homme qui dort), de Joël Santoni (Les yeux fermés), d'Yvan Lagrange (Tristan et Iseult), de Guy Cavagnac (Le soldat Laforêt) et surtout de Gérard Guérin (Lo païs). Ce dernier a su, avec des moyens modestes, faire un portrait fidèle de la France contemporaine à travers les aventures d'un jeune colleur d'affiches qui mène parallèlement son éducation sentimentale et son éducation politique au contact des dures réalités quotidiennes ; Guérin sait se montrer à la fois sérieux et malicieux, décontracté et violemment dénonciateur. D'autres bonnes surprises sont venues de réalisateurs sinon débutants, du moins relativement nouveaux. Ainsi Jacques Rozier, rescapé de la nouvelle vague (Du côté d'Orouet), Maurice Pialat (La gueule ouverte), Loleh Bellon (La femme de Jean), Jean-Louis Bertucelli (On s'est trompé d'histoire d'amour), Bertrand Tavernier (L'horloger de Saint Paul), Gérard Blain, qui a confirmé dans Le pélican tout le bien qu'on pensait de lui depuis son premier essai : Les amis. Pascal Thomas, propulsé dans le groupe très limité des jeunes cinéastes chanceux depuis le succès imprévu des Zozos, a complété sa galerie de portraits d'adolescents tourmentés par le mal d'amour, tout en chantant les louanges d'une France idyllique et campagnarde dans Pleure pas la bouche pleine. Le talent et la roublardise étaient au rendez-vous. J.-P. Blanc, quant à lui, a sombré dans l'insignifiance vulgaire (Un ange au Paradis) après avoir attiré l'attention de tous, la saison passée, avec sa Vieille fille.