Comparé à celui des pays voisins, il voyage moins dans les festivals ou dans les opéras étrangers (à Salzbourg, à la Scala, à Covent Garden, on rencontre très rarement un Français), il cherche moins à s'informer de ce qui se fait ailleurs (il n'y a toujours pas chez nous de grande revue musicale de niveau international) et, juste retour des choses, il est un peu tenu à l'écart par certaines vedettes (bien des grandes voix, notamment) et même par d'illustres phalanges venues exceptionnellement de loin (en 1974, pendant leur tournée en Europe, les orchestres de Chicago et de Los Angeles n'auront donné chacun qu'un seul concert en France). Mais, s'il semble que le mélomane français se satisfasse de ce qu'il trouve dans l'Hexagone et fasse meilleur accueil à un mauvais concert Gabriel Fauré (pour le 50e anniversaire de sa mort) qu'à une soirée de l'Amadeus Quartet (salle Gaveau plus que clairsemée), il n'en faut pas moins noter, avec les organisateurs de concerts, que la fréquentation a baissé de 10 à 15 % durant la saison 1973-1974.

Bilan

Avec un budget de fonctionnement de 162 284 136 francs, la Direction de la musique arrive maintenant en tête de tous les services du ministère des Affaires culturelles. Marcel Landowski, qui s'est tout de suite acquis la confiance de Maurice Druon, a accéléré la réalisation de son plan décennal de rénovation de la vie musicale française. Dans sa conférence de presse du 18 décembre 1973, il dresse un bilan impressionnant des premiers résultats obtenus, tant sur le plan de l'enseignement que sur celui de la diffusion, où le système de régionalisation joue un rôle essentiel. Il annonce la mise en place d'une Commission des orgues non classés, la mobilisation des moyens de sauvetage de la lutherie française, l'institution d'une Caisse nationale de la musique et, pour la première fois, un « développement massif de l'aide aux créateurs et aux chercheurs » comportant l'affectation de 1 % des subventions à des commandes d'œuvres nouvelles, l'obligation pour les orchestres conventionnés d'inscrire une œuvre contemporaine française au programme de la moitié de tous leurs concerts, l'aide à la création annuelle de trois ouvrages lyriques français assurés d'être représentés 50 fois en trois ans, enfin la création de nouveaux centres électroacoustiques en province et d'un pool d'instruments à percussion à Paris.

Centralisme

Mais cette intervention de plus en plus active et engagée de l'État à tous les niveaux de la vie musicale s'accompagne d'un centralisme administratif puissamment hiérarchisé, qui donne au directeur, véritable ministre de la Musique, la haute main sur 25 délégués régionaux qui ont mission de le représenter sur tout le territoire, sur 74 et bientôt 148 conservatoires ou écoles de musique, sur 24 et bientôt 54 orchestres, sur 25 formations conventionnées, sur des dizaines de chorales et des centaines d'associations et de festivals subventionnés.

À plusieurs reprises, cette année, les regroupements, fusions ou simples coordinations d'organismes, imposés par l'Administration sous sa pression morale ou financière, ont eu lieu dans des conditions difficiles et non sans la nette résistance des personnes concernées. Il est vrai, d'une part, que l'intérêt local ne coïncide pas toujours avec l'intérêt national et, d'autre part, qu'un certain académisme officiel commence de prévaloir dans tout ce qui touche aux délicats problèmes de l'art contemporain.

Anarchie

« La politique suivie rue Saint-Dominique a eu pour résultat de faire stagner les concerts organisés par les groupements de musique contemporaine et, en particulier, par notre association, alors que les festivals (même nouveaux venus) recevaient, eux, la plus grosse part des subventions », écrit entre autres Gilbert Amy dans une lettre aux abonnés qui fait l'effet d'une bombe en annonçant sans ménagement, en début de saison, la fermeture définitive du Domaine musical, fondé il y a vingt ans par Pierre Boulez, auquel Amy avait succédé en 1967.

Ce mouvement de défense et d'illustration de la musique nouvelle, qui aura servi de modèle à tous ceux du même genre qui, depuis, ont vu le jour de par le monde, est enfin (mais après sa disparition) reconnu comme « absolument nécessaire » par Marcel Landowski, qui qualifie la musique d'aujourd'hui de « tragique anarchie ».