Avant tout, les grandes centrales syndicales, désormais fédérées dans l'attente d'une unité renvoyée à un avenir indiscernable, resserrent leur contrôle sur les mouvements de leurs bases et les négociations des conventions, soit en utilisant les appareils jusqu'alors dépassés par la nouvelle structure des conseils d'usine, soit en s'apprêtant à donner du mou en temps opportun. La réalité du chômage, la sous-occupation, la menace des licenciements, agissent comme un frein. Enfin, les groupuscules d'extrême-gauche, durement frappés par l'échec électoral des principaux d'entre eux (un million de voix dispersées sans résultat), perdent de leur mordant devant l'énergique opération de récupération de leurs adhérents à laquelle procèdent les syndicats et le parti communiste.

Au surplus, les revendications générales de ces derniers sont marquées de modération dans leur esprit : priorité est donnée à la restauration ou maintien de l'appareil de production ; et, indépendamment des exigences extrêmes posées au départ des négociations, ces revendications ne vont pas au-delà des quelques réformes sociales élémentaires dont les syndicats ont, depuis plusieurs années, fait la base de leur stratégie.

Par-dessus tout, un homme est présent, non pas en arbitre ni en juge, mais entre les partenaires sociaux, un peu en retrait et singulièrement actif : le ministre du Travail, Dionigio Coppo, ancien secrétaire général adjoint de la confédération démocrate-chrétienne (CISL), devenu député en mai 1972. Ses qualités de négociateur patient et subtil sont connues.

Ainsi, dès le début d'octobre 1972, D. Coppo sait-il désamorcer l'automne chaud en faisant aboutir la convention collective nationale de la chimie. Dans les mois suivants, il est l'artisan des conventions pour les textiles et la construction. Mais, de toutes ces négociations, la plus longue, la plus dure, concerne les métallurgistes, dont les fédérations, appartenant à chacune des trois centrales, s'étaient regroupées en une fédération unique.

Commencés en octobre 1972, les pourparlers aboutissent au milieu d'avril 1973 sur des résultats appréciables, notamment l'horaire de 39 heures hebdomadaires, l'encadrement unique des ouvriers et employés, l'octroi d'un capital de 150 heures payées pour la formation permanente et de 120 heures supplémentaires non payées pour les ouvriers-étudiants ; enfin, les quatre semaines de vacances.

La fédération des métallurgistes a mis l'accent sur l'urgence d'une réforme profonde de la technologie et l'instauration d'un « nouveau moyen de faire l'automobile », liées étroitement à l'amélioration de l'emploi, à la réduction des horaires de travail et à la meilleure utilisation des installations, dont la sous-utilisation (aux trois quarts en moyenne de leur capacité) préoccupe gravement les industriels.

Ceux-ci, d'ailleurs, se sont montrés divisés pendant les mois de négociation : la masse des petites et moyennes entreprises de la métallurgie bloque tout débouché à la discussion et favorise le maximalisme chez ses partenaires. Les très grandes entreprises, au contraire, essentiellement Fiat et les firmes du secteur public, sont disposées à signer, à tel point qu'Umberto Agnelli, administrateur-délégué de Fiat, n'hésitera pas à rendre publiques ces divergences de fond, en affirmant que c'est « pour des raisons politiques » que la convention collective a été signée avec trois mois de retard.

C'est qu'en effet Fiat ménage aux syndicats une surprise d'importance, qui les prend au dépourvu au milieu de mai 1973 : elle leur présente, non pas à l'état de projet sur le papier, mais en phase de proche expérimentation, un système de diversification des tâches qui brise le travail à la chaîne, le répartit en îlots autonomes, où les temps sont notablement allongés et les gestes à accomplir diversifiés. Simultanément, la Fiat fait accepter par le Comité interministériel du plan une nouvelle tranche d'investissements pour trois ans dans le Midi, qui porte à 520 milliards de lire et 30 000 emplois son programme pour la période 1971-1975.