Son programme, présenté le 4 juillet à la Chambre et au Sénat, évite toute conception idéologique autre que celle du refus des extrémismes de droite et de gauche. Il acceptera tous les soutiens, d'où qu'ils viennent, selon les occasions, mais il demeure sur le terrain du concret : il entend parachever les mesures mises en œuvre depuis 1963 par le centre gauche, quitte à apporter des correctifs, notamment à la loi sur les baux ruraux, tenue pour responsable de l'avance de la droite dans le Midi. Il préparera une loi-cadre pour sortir de l'ornière la réforme universitaire, et reprendre le projet socialiste concernant la réforme sanitaire.

En matière d'économie, il annonce son dessein de développer les investissements publics et de mettre au point le plan quinquennal qui traîne depuis des années.

Bref, on a le sentiment que G. Andreotti songe à faire une politique de centre gauche, en la faisant absorber par une majorité de centre droit, ce qui est classique. Il ne ferme d'ailleurs pas la porte aux socialistes, et sa volonté de durer est bien marquée : il n'entend pas occuper la place pour un autre leader démocrate-chrétien, le temps nécessaire à la préparation d'une coalition de centre gauche.

À la Chambre, G. Andreotti est investi par 329 voix contre 288 ; au Sénat, par 163 voix (soit trois de plus que la majorité nécessaire) contre 150. C'est la faiblesse même de cette marge qui va le gêner pendant un an, d'autant plus que la coalition se trouve en minorité dans différentes commissions. Dès le début, le président du Conseil sait donc qu'il aura à livrer des combats de harcèlement et que même l'administration courante exigera de lui qu'il use de la procédure du décret-loi. Mais, pour être valable, la procédure de décret-loi doit être convertie en texte législatif dans un délai de soixante jours.

Toute échéance fixée par le programme de gouvernement devra donc être reculée au maximum avant d'aborder l'épreuve du débat parlementaire.

Enlisement

Dès le début d'août 1972, il est battu sur l'augmentation des retraites, et la Cour des comptes rejette un décret qui élève considérablement les traitements des hauts fonctionnaires. En novembre, nouvelle tentative, nouvel échec ; en mai 1973, le Sénat refuse encore une fois d'entériner ce projet, qu'explique la nécessité d'ancrer les principaux grades de la fonction publique au service exclusif de l'État. Mais l'effet produit est fâcheux sur l'opinion publique, et l'opposition l'exploite.

La reprise du projet de réforme sanitaire est également entravée, d'une part par son origine socialiste et la décentralisation qu'elle implique au bénéfice des gouvernements régionaux, d'autre part par l'état de crise financière aiguë où étouffent les différents organismes de sécurité sociale. Le cabinet élabore une modification au projet initial, mais doit simultanément chercher des fonds ici pour boucher les trous là.

Le ministre de l'Instruction publique, Scalfaro, reprend au départ le projet de réforme universitaire pour en tirer une loi-cadre. Mais, en annonçant dès le mois d'août son intention de revenir au latin obligatoire, il soulève des doutes étendus sur l'esprit de son action : ne veut-il pas réduire les marges d'autonomie des universités, même s'il proclame son intention de rétablir les concours pour les chaires, bloqués depuis des années ? À la Chambre comme au Sénat, ses mesures d'urgence sont l'objet de combats d'usure qui les transforment et donnent à des points de détail, comme le statut des maîtres de l'enseignement primaire, une importance démesurée.

La rectification du projet sur les baux ruraux est battue, après une longue procédure parlementaire, sur l'intervention de la gauche démocrate-chrétienne, en mars 1973, et le président du Conseil ne revient pas à la charge. Et les projets de modification au texte déjà acquis de la réforme du logement suscitent des protestations des ouvriers de la construction, sans parvenir à sortir des débats.

Social

Un nouvel automne chaud, analogue à celui de 1969, ne s'annonce-t-il pas, lorsque commenceront en septembre les négociations pour le renouvellement des conventions collectives triennales pour six millions de travailleurs ? C'est la crainte qu'expriment en juillet les milieux modérés. Pourtant, sur le front social, le président du Conseil peut analyser quelques éléments favorables à son action.