Une mesure audacieuse, dans le contexte arabe, est prise le 2 juillet 1972 : Sanaa rétablit ses relations diplomatiques avec les États-Unis (rompues en mai 1967) à l'occasion de la visite au Yémen du secrétaire d'État américain William Rogers. La presse, dans plusieurs pays frères, dénonce ce qu'elle considère être une trahison. L'officieux égyptien Al Ahram écrit que la RAY a vendu la cause arabe pour quelques millions de dollars, allusion à l'assistance économique promise par Rogers.

Le gouvernement nord-yéménite, dont la politique de son président, le cadi Iriani, est d'entretenir de bonnes relations avec tous les États arabes, conservateurs ou progressistes, justifie sa position dans des notes diplomatiques adressées à l'Égypte, à l'Algérie, à la Libye et à la Syrie. Il rappelle que tous ses appels à l'aide économique adressés aux pays frères sont restés sans réponse, et qu'il fallait bien chercher un soutien ailleurs.

Washington

Des négociations s'engagent dès la mi-juillet pour déterminer l'assistance que pourraient fournir les États-Unis pour la remise en état du système d'eau potable à Taez, la construction de routes, l'octroi de bourses d'études à des étudiants yéménites. Washington déclare que, pour commencer, l'aide sera relativement modeste par rapport à celle qui avait été octroyée entre 1962 et 1967 et qui s'était élevée à plus de 40 millions de dollars. Le cadi Iriani annonce, le 4 juillet, que la normalisation avec les États-Unis, dictée par l'intérêt national, ne signifie pas le relâchement des rapports avec les pays socialistes.

Le chef de l'État est, en effet, soucieux de maintenir un certain équilibre. Il refuse, malgré les pressions qui sont exercées sur lui dès cette époque, de suivre l'exemple de l'Égypte en expulsant la mission militaire soviétique qui entraîne les forces nord-yéménites. Pourtant, les éléments antisoviétiques avancent un argument de poids : l'URSS, qui a pris en charge l'équipement et l'entraînement de l'armée sud-yéménite, et dont les sympathies pour le régime marxisant d'Aden sont manifestes, est en mesure de faire pencher le rapport des forces en faveur de la république rivale du sud.

Malgré tout, le Premier ministre Mohsen el-Ayni, lui aussi partisan d'une politique d'équilibre, se rend le 1er août à Moscou. Les relations soviéto-nord-yéménites se tendent à l'automne, au moment où la guerre entre les deux républiques jumelles bat son plein. De nouveau les éléments antirusses tentent de provoquer une rupture avec ceux qu'ils dénoncent comme étant une sorte de cinquième colonne.

Moscou

L'Union soviétique, qui tient à maintenir une présence tant à Sanaa qu'à Aden, capitales proches des champs pétrolifères du golfe Persique, multiplie les gestes de bonne volonté. En octobre, elle accepte, coup sur coup, d'accorder une assistance technique et financière pour la construction d'un port en eaux profondes à Hodeida, d'une usine de conserves de poisson, d'une université à Sanaa.

L'URSS est d'autant plus décidée à gagner les bonnes grâces des dirigeants nord-yéménites que la Chine – en perte de vitesse, semble-t-il, dans la République démocratique du Yémen – déploie des efforts particuliers pour consolider ses positions dans le nord. La coopération économique et technique entre Sanaa et Pékin avait, en effet, pris un nouvel essor après la visite effectuée en Chine, en juillet, par le Premier ministre Mohsen el-Ayni, à la tête d'une importante délégation.

Les deux grands du communisme mondial font abstraction du fait que l'Arabie Saoudite, qui mène campagne dans toute la péninsule arabe contre les mouvements révolutionnaires ou marxisants, exerce dans la RAY une influence grandissante, voire prépondérante. Depuis le retrait du corps expéditionnaire égyptien, en décembre 1967, le gouvernement de Riyad a pratiquement pris sous sa protection la jeune république, lui fournissant une aide financière considérable (dont l'ampleur n'est pas révélée) et une assistance militaire. Les autorités de Riyad sont d'autant plus puissantes en RAY qu'elles ont les moyens d'influer sur la situation intérieure. Elles verseraient des subsides directement aux tribus, faisant d'elles les instruments de la politique wahhabite.