Bourse

Le premier retour des investisseurs étrangers

Si la crise monétaire internationale, dont les premiers symptômes remontent à plusieurs années, se révèle dans toute son ampleur au mois de mai 1971, c'est en juillet seulement que l'attention et l'intérêt des opérateurs se portent sur le franc français.

Assez bien disposée depuis le début de l'année, la Bourse de Paris reste alors sur l'expectative : les présidents ont évoqué aux assemblées récentes l'alourdissement général des coûts de revient ; le rapport Baumgartner sur le marché des actions ne constitue encore qu'un recueil de suggestions ; le scandale de la Garantie foncière n'affecte pas directement le marché, mais ne crée pas un climat de confiance. Les cours, cependant, sont soutenus et les investisseurs encore prêts à réagir à toute nouvelle favorable.

Le développement des entrées de devises incite alors la Banque de France à prendre des dispositions restrictives qui pèsent sur la Bourse sans parvenir à enrayer un afflux considérable de dollars. Les opérateurs étrangers suspendent leurs achats et les professionnels s'inquiètent d'un éventuel isolement du marché de Paris.

Le président des États-Unis, soucieux de freiner la fuite devant le dollar et d'assurer la reprise économique, annonce alors une série d'importantes mesures économiques et monétaires, à commencer par la suspension de la convertibilité en or du dollar et l'institution d'une surtaxe temporaire de 10 % sur les importations. Ces véritables dispositions de combat plongent dans la confusion les différentes places financières mondiales, qui fléchissent aussi vivement que progresse Wall Street.

Entre-temps et à défaut de conjuguer sa politique avec celle de ses partenaires économiques, la France a décidé l'instauration d'un double marché des changes : un marché officiel réservé aux règlements commerciaux, un marché financier où les cours se débattent librement. La devise-titre est provisoirement maintenue, mais son cours ne pourra que baisser progressivement pour rejoindre celui de la nouvelle devise financière.

La peur de la récession

Destinées à protéger le franc, ces dispositions sont mal accueillies des milieux financiers en raison des inconvénients qui en découlent pour les investisseurs étrangers. Ceux-ci sont notamment pénalisés de la différence existant entre le franc commercial et le franc financier. La Bourse s'inquiète en outre de l'impact économique des décisions du président Nixon, craignant une concurrence plus vive en Europe au détriment des capacités bénéficiaires des entreprises, au détriment ensuite des investissements et de l'emploi. L'adoption du plan antihausse par le patronat n'est qu'un motif supplémentaire de baisse dans la crainte d'une récession générale. La publication par Pechiney, Ugine-Kuhlmann, Rhône-Poulenc, Roussel-Uclaf, Wendel-Sidelor ou même Usinor de résultats semestriels en diminution notable ne fait rien pour améliorer le climat.

Bien que les cours toujours plus bas confèrent aux titres — dans l'hypothèse d'un maintien des dividendes — des rendements sans cesse croissants, la Bourse cherche en vain un nouveau point d'équilibre. L'étroitesse du volume des transactions confirme certes l'absence de panique, mais l'importance acquise par les SICAV laisse toutefois craindre que des demandes de remboursement ne provoquent des réalisations de titres dont l'impact sur la Bourse pourrait entraîner de nouvelles demandes de remboursement, et ainsi de suite.

C'est dans ce contexte que la Commission des finances de l'Assemblée nationale croit bon d'adopter un amendement visant à supprimer l'exonération des droits de mutation pour les titres de rente Pinay — emprunt 3 1/2 % 1952-1958 — détenus depuis moins de deux ans. Cherchant à faire œuvre de moralisation en évitant que des achats tardifs de Pinay ne permettent d'échapper au fisc, cet amendement est jugé dans la pratique beaucoup plus nocif qu'utile puisqu'il revient à renier les conditions d'émission d'un emprunt d'État et, par là même, à mettre en cause le crédit de cet État. La question soulevée est grave quand la Bourse est déjà chancelante et que les pouvoirs publics attendent de l'épargne qu'elle contribue efficacement au financement du VIe Plan.