D'URSS, à part la découverte d'un film datant de 1934 (Le bonheur de Medvedkine), il faut noter la fraîcheur du Début de Gleb Panfilov, de Djamilia d'Irina Poplavskaia, qui consolent quelque peu de la déception causée par Solaris d'Andrei Tarkovski.

Enfin l'Allemagne, avec Je t'aime je te tue d'Uwe Brandner, mais surtout avec l'excellent La soudaine richesse des pauvres gens de Kombach de Volker Schloendorff, prouve que le renouveau que l'on avait noté il y a déjà plusieurs années était loin d'être un feu de paille.

Une saison somme toute plutôt faste, ce qui ne fait qu'aggraver le cas du cinéma français.

Les multisalles

Tandis que dans les grandes villes les cinémas de quartier cherchent — parfois désespérément — à retenir leur clientèle en se modernisant et que les salles trop désuètes ou trop mal situées s'asphyxient lentement, avant d'être les unes après les autres contraintes à la fermeture, d'innombrables projets de multisalles sont en cours de réalisation.

Les multisalles (complexe de plusieurs cinémas bâtis sur le même emplacement, soit créés de toutes pièces selon une optique architecturale nouvelle, soit résultant de la fragmentation d'un ancien local) seraient-elles le seul remède à la crise endémique de l'industrie du cinéma, caractérisée par une baisse progressive de la fréquentation ? Beaucoup d'exploitants le pensent. Depuis quelques années, la prolifération en milieu urbain de ces multisalles — qui sont également bien souvent des minisalles — a considérablement modifié les structures de l'exploitation. Chaque salle d'un complexe compte entre 150 et 500 fauteuils au maximum.

L'industrie du cinéma est de plus en plus directement liée à la modification et à la transformation du paysage urbain. Rappelons que 71,4 % des recettes viennent des villes de plus de 100 000 habitants (41,2 % de la population, 64,30 % des spectateurs). Or, dans les vieilles cités comme dans les villes de demain, on s'oriente vers une séparation de plus en plus nette entre lieux de travail et aires de loisirs. L'intention est claire.

On cherche à concentrer toutes les industries du loisir dans une zone délimitée. Multiplication des activités ludiques, essaim de commerces spécialisés (magasins d'habillement, notamment), éventail éclectique de spectacles divers. C'est la conciliation de la détente, de la culture et de la publicité. Sur une plus grande échelle, c'est le triomphe de la drugstorisation, avec ses avantages et ses inconvénients.

L'extension des îlots cinématographiques au cœur d'un quartier commercial actif permet de drainer le public vers un endroit où il pourra plus aisément choisir son programme selon ses goûts. La multisalle offre des avantages indiscutables pour le public et pour l'exploitant. Pour ce dernier, elle minimise les risques — un échec dans l'une des salles du complexe peut être compensé par un succès dans une autre — en lui permettant une appréciable souplesse de programmation et une indéniable facilité de gestion.

L'indice de fréquentation est non seulement plus stable, mais, selon la plupart des statistiques, en assez forte hausse. Les exploitants les plus courageux peuvent également programmer des films réputés difficiles, qui n'auraient jamais trouvé de sortie dans un circuit normal. Le cinéma d'auteur a tout à gagner dans cette multiplication des salles. Mais à la limite il risque aussi de s'enfermer dans une sorte de ghetto culturel (le Quartier latin, à Paris). Inversement, certains exploitants, dont le seul souci est de rentabiliser leur entreprise, ont tendance à ne programmer que des films ultracommerciaux.

La plupart des multisalles se composent de deux ou trois cinémas, mais la tendance est actuellement à l'hyperfragmentation : les 5 Odéon et le K 7 à Marseille, l'Alpha 1 à 5 à Argenteuil, les 5 studios de La Harpe et les 4 Cinévog à Paris, le Pathé-Lyon 1 à 4. Les multisalles, après avoir fait la conquête de Paris (53 multisalles recensées, une douzaine de projets pour l'année en cours ; 3 zones importantes : les Champs-Élysées, Les Grands Boulevards, le Quartier latin), se sont solidement implantées en province, selon un processus similaire et avec, semble-t-il, le même succès.