Aucun de ces films n'est sans défaut, mais tous témoignent d'un sens du cinéma, d'un respect vis-à-vis du spectateur et d'une honnêteté intellectuelle. À ces découvertes (la plupart des réalisateurs sont des nouveaux venus), il faut ajouter celle de Philippe Garrel, enfin sorti du purgatoire où le tenaient enfermé les distributeurs.

Quelques remarquables documents d'actualité (La guerre d'Algérie d'Yves Courrière et Philippe Monnier, Le bonheur dans vingt ans d'Albert Knobler, Les années Lumière de Jean Chapot) sont venus compléter une sélection française qui, hormis quelques exceptions, s'est montrée extrêmement fade et timorée dans le long métrage de fiction.

États-Unis

Hollywood n'existe peut-être plus. Mais le cinéma américain, lui, est toujours vivant. Plus vivant que jamais, attentif aux moindres pulsations du monde moderne, n'hésitant pas à attaquer de front les problèmes sociaux ou politiques du moment sans pour autant abandonner la notion de spectacle.

Chaque genre se survit sans se scléroser : dessin animé avec les Aristochats, illustration fidèle de l'univers lénifiant de Walt Disney ; Charlie Brown à l'humour plus policé ou Fritz the Cat d'une tonitruante agressivité ; film policier avec Klute d'Alan J. Pakula, L'organisation de Don Medford, Les quatre malfrats de Peter Yates (joyeusement parodique) ou L'inspecteur Harry de Don Siegel (à qui l'on doit un autre film plus personnel et plus intéressant : Les proies) ; film de science-fiction avec le curieux TXH 1138 de George Lucas et le Mystère Andromède de Robert Wise ; comédie musicale avec Un violon sur le toit de Norman Jewison ; western enfin avec le démythifiant Doc Holliday de Frank Perry, les classiques Deux hommes dans l'Ouest de Blake Edwards, Les cowboys de Mark Rydell, Valdez d'Edwin Sherin, le brutal Les charognards de Don Medford, le sophistiqué L'homme sans frontière de Peter Fonda, l'insolite Clan des irréductibles de Paul Newman, le subtil John Mc Cabe de Robert Altman.

Mike Nichols se fait le psychanalyste d'une Amérique en totale mutation dans Ce plaisir qu'on dit charnel, tandis que Robert Mulligan s'attendrit sur l'éducation sentimentale d'un jeune garçon à l'époque de la Seconde Guerre mondiale dans Un été 42. Talent descriptif que celui de Peter Bogdanovitch qui recrée dans La dernière séance l'ambiance d'une petite ville provinciale des années 1950 avec une étonnante économie de moyens. Ambiguïté du box-office américain : Bogdanovitch triomphe là où échoue Elia Kazan avec son superbe Les visiteurs, tourné en 16 mm avec un budget réduit. Fidèle à ses obsessions, Kazan met à nu la mauvaise conscience de l'homme moderne devant la guerre (en l'occurrence celle du Viêt-nam). Film important et controversé — certains ont voulu y voir une justification des prises de position de son auteur à l'époque du maccarthysme. Les visiteurs rappellent en tout cas que Kazan n'a guère abdiqué devant les modes ou les contraintes.

Plusieurs œuvres de valeur tentent d'exprimer par l'image le vertige américain devant la montée de certains périls : drogue, violence, mécanisation de la pensée, etc.

Le problème de la drogue est abordé de différents points de vue : au suspense policier de William Friedkin, il est permis de préférer Born to win du Tchèque Ivan Passer, qui n'a perdu aucune des qualités de son éblouissant Éclairage intime. Le problème de l'homosexualité est traité avec sérieux par le même William Friedkin dans Les garçons de la bande, une sorte de huis clos désespéré. Tout aussi pessimiste, Husbands de John Cassavetes nous plonge dans un univers livré à la frustration et à l'aliénation. Quant à Dalton Trumbo, le scénariste célèbre mis à l'index à l'époque de la chasse aux sorcières, il signe à 65 ans son premier film de metteur en scène : Johnny got his gun, adapté de son propre roman. George Roy Hill, enfin, dans Abattoir 5, tente une expérience intéressante en télescopant le temps — son héros vit en effet à la fois dans un passé dramatique (soldat américain, il a été le témoin du bombardement de Dresde) et dans un futur idyllique (il invente une planète où le bonheur est enfin possible) pour échapper à un présent morose.