Journal de l'année Édition 1971 1971Éd. 1971

Mais si l'opération Lam Son 719 a été, pour les Américains et les Sud-Vietnamiens, un échec, c'est surtout parce qu'elle n'a modifié en rien l'équilibre des forces politiques en Indochine. Jusque-là (et en dépit des combats entre les forces gouvernementales du prince Souvanna Phouma, Premier ministre, et les maquisards du prince Souphanouvong, pro-communiste), le Laos était considéré par tous les pays impliqués dans la guerre comme intouchable. Sa neutralité a été solennellement reconnue par les accords de Genève de 1962.

Hanoi entretient des relations diplomatiques avec le gouvernement de Vientiane, qui, lui-même, n'a jamais coupé les ponts avec le Pathet Lao de Souphanouvong. Dès le début de l'intervention sud-vietnamienne, l'action des guérilleros s'est intensifiée autour de Vientiane et de Louang Prabang, la capitale royale, ainsi qu'autour des deux bases américaines de Samthong et de Long Chen, centres nerveux de la CIA (services de renseignements) en Indochine

Finalement, au mois de mai et alors que les bombardements américains continuent, le dialogue reprend entre les deux frères ennemis en vue d'entamer de véritables négociations. Mais l'équilibre politique laotien, déjà menacé, reste à la merci d'une nouvelle intervention.

Cambodge

Plus d'un an après la chute du prince Sihanouk et l'entrée des troupes américano-sud-vietnamiennes, rien n'est résolu au Cambodge. Durant toute l'année, les combats se sont poursuivis, sur l'ensemble du territoire, entre les maquisards partisans de Sihanouk et les forces gouvernementales. Une nouvelle offensive sud-vietnamienne en novembre 1970, suivie, début février 1971, d'une autre intervention dans les provinces orientales déjà ratissées dix mois plus tôt, témoigne de ce continuel recommencement de la guérilla.

La bataille est partout. La tactique des soldats de Sihanouk et de leurs alliés consiste à frapper par surprise, tout en exerçant une pression constante sur la capitale (le 22 janvier 1971, en pleine nuit, un commando attaque l'aéroport international et détruit 95 % de l'aviation cambodgienne) et les voles de communication (tour à tour des routes sont fermées).

La riposte des troupes gouvernementales et surtout sud-vietnamiennes est de parer au plus pressé. Elles interviennent successivement autour d'une ville, sur une voie d'eau, dans une province, mais sans jamais pouvoir conserver la position et en tirer avantage. Tout est toujours à refaire.

Le terrain appartient aux maquisards. En quelques mois, ils ont mis sur pied une organisation politique qui, à l'image de celle du FNL sud-vietnamien, quadrille le pays. En quelques mois, le FUNK (pro-Sihanouk) a formé des milices, plus aguerries que les forces gouvernementales, équipées et formées à l'occidentale.

Crise politique

Aux difficultés de la guerre est venue s'ajouter une crise politique qui ne parait que partiellement résolue. La chute du prince Sihanouk et, en automne 1970, la proclamation de la République ont créé, à Phnom Penh tout au moins, une certaine euphorie. Mais seul le général Lon Nol, artisan du renversement du prince, semble capable de tenir la barre.

Or, en février 1971, frappé d'hémiplégie, il est obligé de s'absenter. À son retour, en avril, il présente sa démission. C'est une manœuvre : il veut, en fait, remanier son gouvernement afin de redresser la situation économique et réorganiser l'armée, où un certain malaise se manifeste.

À la suite de longues négociations, Lon Nol demeurera président du Conseil, tout en déléguant ses pouvoirs au général Sirik Matak. Mais celui-ci n'est pas accepté par toutes les forces politiques et, malgré l'aide financière des États-Unis, la situation économique du pays (hausse des prix, arrêt des exportations, etc.) reste grave.

Le temple d'Angkor Vat endommagé

Les célèbres ruines du temple d'Angkor Vat (passé sous le contrôle des forces pro-communistes en juin 1970) ont été endommagées au cours de combats en mars 1971. Selon les autorités de Phnom Penh, la responsabilité en revient aux partisans de Sihanouk. Selon l'École française d'Extrême-Orient, qui, en dépit de la guerre, poursuit l'entretien des ruines et assure la mise en place de dispositifs de protection, les destructions ont été provoquées par des tirs des forces gouvernementales.

Viêt-nam du Sud

Vietnamisation. C'est le mot clef aussi bien pour le président Nixon que pour le président Thieu. Autrement dit, les Sud-Vietnamiens doivent prendre peu à peu en charge la guerre et le combat politique contre les communistes. Au cours de plusieurs allocutions et conférences de presse, le chef de l'exécutif américain s'est félicité des progrès de la vietnamisation, dont le signe le plus visible est sans doute la poursuite du retrait des troupes américaines.