Journal de l'année Édition 1971 1971Éd. 1971

Alors qu'au milieu de 1969 le corps expéditionnaire comptait plus de 500 000 hommes, deux ans plus tard il dépasse à peine 200 000 hommes. L'aviation et l'artillerie continuent, certes, de jouer un râle déterminant, mais l'infanterie sud-vietnamienne prend effectivement la relève des fantassins américains.

Comme au Cambodge, les combats n'ont pas cessé au Viêt-nam du Sud, mais ils se sont concentrés dans le nord du pays et le long de la frontière laotienne, c'est-à-dire dans des régions de faible densité. Des raids ont été lancés par le Viêt-cong contre des villes, des villages ou des bases, sans toutefois parvenir à inquiéter sérieusement Saigon.

Les Sud-Vietnamiens interprètent la situation comme une victoire de leur politique de pacification et comme un indice de la lassitude du FNL. Certains sont moins optimistes. Ils font remarquer que si les troupes vietcongs et nord-vietnamiennes n'ont pas déclenché des opérations d'une certaine ampleur, elles ont partout repoussé les attaques lancées contre elles. Ils notent aussi que l'objectif ultime du GRP (Gouvernement révolutionnaire provisoire) n'est pas d'ordre militaire, mais politique, l'essentiel étant en définitive la conquête des cœurs. Et, dans ce domaine, il semble que le Front contrôle près de la moitié des provinces.

Campagne électorale

Ce volet politique prend d'ailleurs une importance et un relief de plus en plus grands, au fur et à mesure que l'on se rapproche des élections présidentielles, fixées au 3 octobre 1971. Le nouveau président de la République du Viêt-nam aura, en effet, un rôle considérable à jouer : il peut être sinon l'homme de la paix, tout au moins l'artisan d'un début de réconciliation. Investi de la confiance du peuple, disposant de plusieurs années pour appliquer sa politique, élu à un moment où tout le monde reconnaît que l'impasse de la guerre est totale, il sera l'homme clef de la situation.

D'autant que le FNL, pour la première fois, a demandé à la population de s'intéresser de très près à ce scrutin et de créer une véritable force politique pouvant amener la chute de Thieu.

Depuis la fin de 1970, la vie politique est dominée par cette élection ; les candidats se placent et ne s'épargnent aucun coup : on a même vu le général Ky, vice-président de la République, mettre en doute les déclarations du président Thieu sur le succès de l'opération Lam Son 719. La Chambre des députés a adopté, le 3 juin 1971, une loi électorale qui exige que chaque aspirant à la présidence soit parrainé par 40 députés ou 100 conseillers provinciaux. Sans entrer dans les arcanes de la politique intérieure sud-vietnamienne et sans préjuger de l'évolution des choses au cours des mois d'été, trois candidats sont en lice fin juin :
– le général Thieu, le président de la République. Il est le mieux placé. En plus de l'appareil administratif et militaire qu'il a mis en place, il bénéficie (ou a bénéficié) de l'appui des Américains. Convaincu que la seule solution du conflit est dans une victoire sur le Viêt-cong et les Nord-Vietnamiens (il s'était opposé à la conférence de Paris), il est décidé à poursuivre la même politique ;
– le général Ky, vice-président de la République. Depuis des mois, il ne cesse de prendre ses distances à l'égard de Thieu, qui lui-même l'a écarté des responsabilités importantes. Habile et quelque peu manœuvrier, Ky n'a pas fait connaître de programme cohérent. Il lui reste, de toute façon, à trouver les députés ou les conseillers qui voudront bien le présenter ;
– le général Minh, le gros Minh qui fut le tombeur de Diem. Exilé par Thieu, puis autorisé à revenir dans le pays, Minh a fait cette année sa rentrée politique. Partisan d'un neutralisme actif, il pourrait être le catalyseur d'une opposition divisée et, s'il était élu, créer les conditions favorables à la paix. Il aurait même déjà pris contact avec des représentants du FNL pour la formation éventuelle d'un gouvernement provisoire de coalition. Prudents, les Américains ne sont pas a priori hostiles au gros Minh. Mais reste à savoir s'il se présentera officiellement. Selon lui, le parrainage (qu'il obtiendrait facilement de 40 députés) est anticonstitutionnel et fausse le vote.