Néanmoins, la proportion de succès que rencontrent les ravisseurs lorsqu'ils se livrent au chantage sur la vie de leurs otages a fini par donner des idées aux gangsters.

Tandis que les attaques de banques de style classique s'accroissent encore (228 attaques à main armée en France pendant les six premiers mois de 1971, contre 75 en 1970), on assiste à la multiplication d'agressions assorties de prises d'otages parmi le personnel ou les clients des établissements financiers. La plus spectaculaire a lieu à Toulouse, le 15 mars. Cinq bandits attaquent une succursale de la Société générale ; se voyant cernés par la police, ils s'enferment dans la banque et retiennent plusieurs otages, dont le directeur et des femmes. Ils parlementent pendant douze heures, exigent des vivres et une rançon de 300 000 F, ainsi que des voitures qui leur permettraient de s'enfuir. Pour montrer leur détermination, ils n'hésitent pas à menacer de couper les poignets d'une des personnes qu'ils tiennent à leur merci. Le procureur de la République et le préfet acceptent de parlementer et cèdent pour éviter toute effusion de sang. La nuit tombée, les ravisseurs partent en toute tranquillité avec trois otages, qu'ils relâchent en cours de route. Dès que ceux-ci sont retrouvés, les recherches commencent. Dès le lendemain, quatre des cinq malfaiteurs sont arrêtés. Le chef de la bande est un Espagnol, François Garcia ; deux de ses complices, des cafetiers du Gard.

À la même époque, on voit une agression analogue à Marseille, tandis qu'à Stains trois gangsters raflent 6 000 F dans une succursale de la BNP après avoir arraché son bébé des bras d'une cliente et avoir menacé, en appliquant son pistolet sur le cou du bambin, de le tuer si quiconque leur résistait.

Incendies de forêt et affaire Bolo

Les incendies de forêt continuent d'occasionner d'immenses dégâts : en Corse et dans le Sud-Est, où, au début d'octobre 1970, ils provoquent la mort d'une mère de famille avec ses quatre enfants, ainsi que celle de six autres personnes. Mais, dans l'opinion, on voit désormais quelquefois poindre une interrogation : l'origine des sinistres ne serait-elle pas délibérément et systématiquement criminelle ? La destruction d'une centaine d'hectares en forêt de Fontainebleau, au mois d'avril 1971, conduit à se poser à nouveau la question. Les enquêteurs découvriront vingt foyers d'où sont parties les flammes.

Au cours des vacances, en tout cas, l'annonce d'un été chaud par les gauchistes a failli entraîner l'apparition d'une psychose de suspicion. Celle-ci, à son tour, va donner naissance à ce qui, au mois de juillet 1970, s'appellera l'affaire Bolo.

Tandis que l'incendie ravage le massif des Maures, cinq témoins croient déceler un comportement suspect chez un promeneur qu'ils volent passer dans des endroits jusque-là épargnés par les flammes, se baisser, puis s'éloigner d'un buisson d'où sort aussitôt une épaisse fumée. Trois de ces témoins, parmi lesquels un médecin suisse, se concertent et prennent sur eux de s'emparer du personnage et de le conduire à la gendarmerie — ce qu'ils font aussitôt sans ménagement.

L'homme est un professeur de quarante et un ans, Ernest Bolo, qui passe ses vacances avec sa famille dans une villa qu'il a louée à Sainte-Maxime, au domaine de la Nartelle, un endroit particulièrement menacé par les flammes. Il nie farouchement, mais est néanmoins écroué et inculpé. Ses voisins, qui l'accusent, livrent les raisons qui déjà auparavant avaient fait naître leurs soupçons. Ils avaient cru remarquer que les flammèches qui avaient surgi dans le jardin d'E. Bolo avaient une origine bizarre. De plus, le professeur (dont le frère est député UDR de Loire-Atlantique) ne cache guère ses sympathies gauchistes. Il est d'ailleurs le traducteur d'un petit livre danois destiné à prêcher la liberté sexuelle et la révolte aux lycéens.

Dès lors, les passions, elles aussi, vont s'enflammer. Pour les uns, E. Bolo est victime de ses opinions. D'autres apportent leur soutien aux interpellateurs du professeur et s'indignent de voir qu'ils sont, à leur tour, mis en accusation, tournés en dérision ou même menacés de procès pour une intervention qu'ils croyaient de leur devoir de pratiquer.