Ce rapport, fruit du travail d'une commission de dix membres, créée le 2 mars 1969, examine les perspectives nouvelles qu'offrent à la profession les sociétés de rédacteurs. Il prend acte du malaise et du désir de changement, mais estime que « la presse est prisonnière d'un système qui ne garantit ni sa prospérité ni le bon exercice de sa mission sociale ». Il suggère donc des réformes, mais sensiblement différentes de celles qui sont émises par les sociétés de rédacteurs, notamment en ce qui concerne le transfert d'une partie de la propriété des journaux. Il préconise un statut interne à chaque entreprise accordant aux personnels, et notamment aux journalistes, un droit sur les décisions majeures touchant la vie du journal. Pour parvenir à l'élévation indispensable du niveau de qualification, le rapport souhaite que soit définie une politique coordonnée en matière de formation professionnelle. Dans ce domaine, on doit parvenir à une collaboration plus étroite entre l'Université et les écoles, sans oublier le recyclage et le perfectionnement.

L'idée d'un statut des entreprises de presse conduit tout naturellement à la création d'une sorte de magistrature morale qui s'exercerait par le canal d'un Conseil de la presse. Celui-ci aurait pour but d'assurer la défense de la liberté de la presse, de définir une déontologie de l'information, d'éviter la propagation d'une information déformée ou de qualité insuffisante et de combattre les manifestations les plus excessives de la recherche du sensationnel.

Élaboré par des personnalités n'appartenant pas à la profession concernée et sans que ses organisations représentatives aient été consultées, le rapport Lindon est diversement accueilli par les journalistes. Réunis en colloque à Caen à l'initiative du Centre d'étude et de documentation sur l'information, des représentants de la Fédération française des sociétés de journalistes et des syndicats (autonome, CFDT, FO, CGT) expriment des points de vue différents. Pour les uns, il suffit de défendre les journalistes par les moyens légaux existant déjà ; pour les autres, un tel rapport pourra constituer une base de référence pour la poursuite du dialogue. Dialogue qui ne semble d'ailleurs pas près d'être terminé, puisque, lors de son congrès des 23 et 24 avril 1971, la Fédération française des sociétés de journalistes décide qu'un nouveau colloque aura lieu à Caen au mois de septembre. Elle réaffirme sa résolution d'obtenir les garanties d'une information libre et responsable et son désir de lutter contre toutes les formes de contrainte intellectuelle et d'autocensure.

Sociétés de rédacteurs

En fait, les sociétés de journalistes et de rédacteurs ont remporté cette année leurs premiers succès, prouvant ainsi qu'ils étaient capables de constituer une force avec laquelle on allait désormais devoir compter. À Paris-Normandie, à l'Est républicain, à l'Alsace, les professionnels démontrent qu'ils ne sont pas une marchandise dont on peut disposer.

Mais c'est surtout au Figaro que le rôle de la société des rédacteurs est déterminant. Le conflit ouvert depuis près de deux ans était devenu plus aigu à la suite du rachat par le groupe Prouvost (déjà propriétaire de 48,65 % des actions) des parts de Ferdinand Béghin (48,65 %) [Journal de l'année 1968-69 et 1969-70]. Une solution satisfaisante est trouvée par la transformation de la société fermière, qui géra le journal de 1950 à 1969, en une société constituée selon la loi de 1966. On procède à la mise en place d'un conseil de surveillance et d'un directoire. Le premier, présidé par Jean Prouvost, comprend 12 membres : 7 représentent les intérêts des propriétaires et 5 ceux des collaborateurs (4 journalistes, 1 cadre). Les décisions ne peuvent être prises qu'à la majorité des trois quarts, ce qui accorde aux professionnels une minorité de blocage. Le directoire, obligatoirement présidé par un journaliste (en l'occurrence Louis-Gabriel Robinet), comprend 5 membres, dont 2 représentent la rédaction. La situation étant rentrée dans l'ordre, le mandat de l'administrateur provisoire peut prendre fin.