La tâche des bureaux d'études se complique aussi d'un nouveau facteur, celui de la rentabilité : il faut non seulement concevoir des modèles éprouvés, mais aussi choisir les solutions les plus économiques, afin d'obtenir les prix de revient les plus bas et de vendre le produit final à un tarif compétitif.

Pour Renault comme pour Fiat, qui avaient compris les premiers cette évolution, la présentation de la R 12 et de la Fiat 128 ne constitue qu'une confirmation. Aussi l'événement le plus marquant du Salon 1969 est-il, sans doute, la conversion du dernier grand irréductible, Citroën, à la nouvelle religion qui, dans l'industrie automobile, fait de l'inventeur le second du vendeur.

Nouveauté de printemps

Elle fait son apparition le 10 mars 1970 au salon de Genève et son sigle mystérieux — SM — fut aussitôt traduit par une appellation flatteuse : Sa Majesté. Le nouveau coupé deux portes, fruit de l'union de Citroën et de Maserati, marque la rentrée de la France dans le club fermé des voitures de grand prestige, abandonné depuis plus de trente ans. Sièges et volant réglables, glaces commandées électriquement, suspension hydropneumatique, six phares à correction automatique, intérieur luxueux. Suggestion : il respire le confort et le grand standing. Les performances sont à la hauteur : avec ses 220 km/h, la SM est la traction-avant la plus rapide et la plus sûre du monde. Elle le doit aux ingénieurs de Maserati, qui, dans les ateliers-laboratoires de Modène, ont mis au point un moteur rugissant (6 cylindres en V, 2 670 cm3, 170 ch à 5 500 tr/mn). Elle le doit, aussi, aux techniciens de Javel, qui l'ont dotée d'une direction révolutionnaire : un régulateur centrifuge, dont la vitesse de rotation dépend de la vitesse de la voiture et qui permet d'éviter tout effort pour les manœuvres au ralenti, au parking par exemple. Il procure, surtout, une stabilité étonnante à toutes les vitesses, la voiture donnant l'impression d'être guidée par des rails, et une constante garantie de sécurité en virage.

Les mouvements sociaux qui ont bouleversé l'Italie ont retardé la construction de la SM. Elle ne devait être lancée sur le marché qu'à l'automne 1970, pour un prix de 42 000 F environ. En même temps qu'une nouvelle étape pour l'automobile française et pour Citroën, elle fournissait une nouvelle illustration de la politique des grands constructeurs : Citroën avec Maserati, Volkswagen avec Porsche, Fiat avec Ferrari, Simca avec Matra... 1970 marque l'apogée des mariages de raison conclus partout entre la grande industrie et les cellules de matière grise, les carrossiers et les motoristes.

Limitation de vitesse : première décision contre la route meurtrière

Vitesse limitée : 110 km/h sur 14 000 km de routes françaises (avec une tolérance de 130 km/h pour les dépassements). Le Premier ministre décidait d'étendre et de prolonger pendant six mois l'expérience lancée en mars 1969 sur 1 600 km de routes. Annoncée pour Pâques, la mesure entre effectivement en vigueur en deux phases : le 26 avril 1970, avec la matérialisation de la signalisation sur 4 500 km, le 15 mai, avec celle des 7 500 km restants.

C'est la décision la plus importante prise par Jacques Chaban-Delmas à la suite de la Table ronde sur la sécurité routière organisée du 3 décembre 1969 au 15 mars 1970.

Pour la première fois en France, les pouvoirs publics tentent de mettre au point une politique globale en ce domaine. Cinq groupes de travail spécialisés ont élaboré des rapports sur l'infrastructure, les véhicules, les conducteurs, le secours aux blessés et l'information. Ils ont conduit à l'adoption de toute une série de mesures, parmi lesquelles :
– La suppression des points noirs les plus dangereux (400 chantiers ouverts, dont un bon nombre devront être terminés avant les grandes vacances) ;
– Le marquage, sur 20 000 km de routes, de bandes axiales jaunes et latérales blanches ;
– L'abattage des arbres dangereux ;
– L'élargissement systématique des routes à trois voies ;
– Le dépôt de deux projets de loi, concernant l'un le taux d'alcoolémie maximal tolérable chez les conducteurs (0,80 g), l'autre la constitution d'un fichier national des conducteurs.