Cet aspect industriel du problème a pesé d'un poids considérable dans la décision française, qui avait été longtemps retardée parce qu'elle entraîne la nécessité d'acheter l'uranium enrichi aux États-Unis, seul pays capable de le fournir à un prix acceptable. Le choix de la filière américaine implique donc la renonciation à l'indépendance que la France avait cru pouvoir s'assurer dans la production de l'énergie électronucléaire.

Première génération

Le partage actuel du marché entre ces deux filières (les réacteurs à uranium enrichi semblant l'emporter) n'est pas définitif. Il concerne uniquement ce que les spécialistes considèrent comme les réacteurs de la première génération. D'autres candidats sérieux s'annoncent déjà, parmi lesquels les réacteurs modérés à l'eau lourde et les réacteurs refroidis par l'hélium. Pour un avenir plus lointain, on s'accorde à prédire le règne des réacteurs à neutrons rapides, qui se passent de modérateur. Mais la probabilité de fission d'un noyau fissile par un neutron rapide étant réduite, il faudra augmenter considérablement la concentration en atomes fissiles. Ce qui serait ruineux si l'on ne disposait que de l'uranium 235. Heureusement, les réacteurs nucléaires fournissent un sous-produit, le plutonium, élément qui n'existe pas dans la nature terrestre et qui résulte de la capture de neutrons par l'uranium 238 (qui accompagne toujours l'uranium 235). Or, ce plutonium est fissile comme l'uranium 235.

Les centrales de l'avenir

On peut donc envisager des réacteurs à neutrons rapides consommant au début le plutonium produit par les autres réacteurs nucléaires. Des études sont déjà très poussées dans cette voie. On peut concevoir aussi qu'ils fabriquent eux-mêmes le plutonium qui leur est nécessaire : il suffirait pour cela d'introduire dans leur cœur une certaine quantité d'uranium 238. Les calculs et l'expérience montrent qu'il est même possible, avec ces réacteurs, de produire plus de plutonium qu'il n'en est consommé par fission. De tels modèles — appelés surgénérateurs (Journal de l'année 1968-69) — seront probablement les centrales de l'avenir, mais il ne faut pas s'attendre à les voir sur le marché avant une dizaine d'années. En outre, leur essor restera longtemps tributaire des disponibilités en plutonium fourni par les autres types de centrales.

Pétrole : fièvre mondiale de prospection

La production mondiale de pétrole ne cesse de croître, parallèlement à la demande : en 1969, elle a franchi le seuil des 2 milliards de tonnes de pétrole brut, avec un taux d'augmentation exceptionnel de 8 % sur 1968.

La disette d'énergie après la Seconde Guerre mondiale et la crainte d'une pénurie générale à court terme ont incité les divers pays à rechercher de nouvelles réserves. Ces efforts ont eu un tel succès que les économistes parlent aujourd'hui d'un « marché acheteur » : moins nombreux que les vendeurs, les acheteurs sont censés y faire la loi. La réalité est un peu différente, mais les prix ont effectivement baissé (ce qui a d'ailleurs entravé l'avènement de l'énergie d'origine nucléaire). On estime les réserves aujourd'hui confirmées à une trentaine d'années de consommation intégrée (en tenant compte d'un accroissement annuel de 7 à 8 %). Mais la demande atteint de tels niveaux que personne ne relâche la prospection.

Peu de régions du globe échappent aujourd'hui à la sonde exploratrice. Les climats les plus hostiles semblent même les plus visés. Tous les grands pays se sont lancés dans la quête de l'or noir, poussés par des motifs économiques et de sécurité d'approvisionnement national. En France, deux sociétés à capitaux publics (en totalité pour le groupe Elf-Erap-Aquitaine, partiellement pour la Compagnie française des Pétroles) sont activement engagées dans d'importants programmes de prospection, non seulement dans l'hexagone et sur son plateau continental, mais aussi au Moyen-Orient, en Afrique, en Indonésie, en Alaska, en Australie...

Le pétrole le plus cher

Parmi les divers gisements, l'off shore occupe une place grandissante. Il s'agit d'explorer et d'exploiter des champs recouverts de 50 à 100 m d'eau (et parfois de plusieurs milliers de mètres de roches), à quelques kilomètres du rivage. Il a fallu mettre au point une technologie pétrolière sous-marine, difficile et coûteuse, mais grâce à elle environ 15 % du pétrole mondial provient maintenant des champs off shore. Un des plus grands gisements de pétrole du monde a été découvert, début juin 1970, dans les eaux territoriales norvégiennes. Selon les experts de la Philips petroleum, société qui a procédé aux forages, les réserves représenteraient plus d'un milliard de tonnes de pétrole de très bonne qualité.