Au Commissariat à l'énergie atomique — où l'on venait d'annoncer une forte diminution d'effectifs —, l'événement a provoqué de vives protestations. Certains espèrent cependant que l'avenir du CEA (au moins dans le secteur de la production) étant davantage lié au nombre de centrales construites qu'à leur type, la nouvelle orientation sera finalement bénéfique pour le Commissariat à l'énergie atomique.

Les filières

En quoi un type de centrale se distingue-t-il d'un autre ? L'énergie nucléaire, on le sait, est obtenue par la fission des atomes d'uranium. Un neutron rencontre un noyau d'uranium 235 : celui-ci se brise en plusieurs fragments, tout en libérant de l'énergie et des neutrons (environ deux, en moyenne, par noyau fissionné). Les neutrons rencontrent d'autres noyaux d'uranium et le processus se répète, libérant de l'énergie et des neutrons. C'est la réaction en chaîne.

Pour produire de l'énergie, il devrait donc suffire, semble-t-il, de disposer d'uranium 235 et de le bombarder avec un neutron, la première fission entretenant les suivantes. En fait, un certain nombre de neutrons sont toujours perdus : soit qu'ils s'échappent du milieu où se trouve l'uranium 235, soit qu'ils se fassent absorber par d'autres atomes présents dans le réacteur. Pour qu'il y ait réaction en chaîne, il faut ne pas perdre trop de neutrons. Or, trois raisons principales font qu'un réacteur ne peut fonctionner à l'uranium 235 pur. Tout d'abord, il accumule les produits mêmes de la fission, les cendres. En second lieu, l'uranium naturel ne contient que 0,7 % d'isotope fissile 235. Et il est très onéreux de l'enrichir en isotope 235. Dans les centrales électrogènes, on emploie soit de l'uranium naturel, soit de l'uranium faiblement enrichi à quelques pour cent d'isotope 235 ; la proportion d'isotope 238, qui absorbe les neutrons, demeure considérable. Enfin, tout réacteur électrogène comporte un ensemble destiné à extraire la chaleur produite par la fission ; il est donc parcouru par un fluide caloporteur susceptible, lui aussi, d'absorber des neutrons.

On s'efforce, par conséquent, d'augmenter, d'une manière ou d'une autre, la probabilité de rencontre des neutrons avec les noyaux d'uranium 235. Le procédé courant consiste à ralentir les neutrons, que la fission éjecte à de grandes vitesses ; les neutrons trop rapides sont moins aptes à déclencher à leur tour d'autres fissions. Le ralentissement est obtenu par chocs contre les atomes d'un corps appelé modérateur.

Outre ses particularités techniques, un réacteur nucléaire se caractérise par la nature du combustible (uranium naturel ou uranium enrichi), par le modérateur (les plus employés sont l'eau ordinaire, l'eau lourde et le graphite), par le fluide caloporteur (les principaux étant l'eau ordinaire, l'eau lourde, le gaz carbonique et l'hélium). Les diverses combinaisons possibles de ces caractéristiques constituent les filières. Mais les choix sont souvent liés : par exemple, un fluide caloporteur qui absorbe beaucoup de neutrons oblige à employer comme combustible de l'uranium enrichi.

Les raisons d'un choix

Deux filières principales se partagent actuellement le marché. L'une, anglo-française, dite « graphite-gaz », consomme de l'uranium naturel et utilise comme modérateur le graphite, comme fluide caloporteur le gaz carbonique. L'autre, développée aux États-Unis, utilise l'eau ordinaire à la fois comme fluide caloporteur et comme modérateur. Mais comme l'eau ordinaire absorbe beaucoup les neutrons, il faut employer de l'uranium enrichi à quelques pour cent. Ces derniers réacteurs sont un peu plus simples et surtout plus compacts que les réacteurs graphite-gaz. Un tel avantage ne suffirait peut-être pas à les faire préférer, si, au cours de ces dernières années, un grand nombre de réacteurs de ce type n'avaient été commandés aux États-Unis. L'expérience industrielle promet donc d'être bien supérieure ; avantage considérable dans un domaine où les questions économiques l'emportent sur les considérations techniques ou scientifiques.