Armée

Vers l'abandon de la défense « tous azimuts »

Dès le début de juillet 1968, l'armée poursuit la réforme de son commandement et lance une nouvelle campagne de tirs nucléaires dans le Pacifique.

Les restrictions budgétaires décidées fin 1968 par le général de Gaulle l'obligent néanmoins à revoir ses projets et à limiter ses ambitions, notamment dans le domaine de son armement thermonucléaire. Au début de 1969, l'embargo complet sur les matériels de guerre à destination d'Israël et de trois pays arabes (Syrie, Jordanie et Égypte) provoque un certain malaise parmi les responsables militaires, tandis que le ministre des Armées, Pierre Messmer, annonce une réorganisation du service national.

Le commandement

Succédant au général Charles Ailleret (disparu le 9 mars 1968 dans un accident d'avion), le général Michel Fourquet devient chef d'état-major des armées, après avoir occupé le poste de délégué ministériel pour l'armement.

Il obtient du gouvernement des responsabilités beaucoup plus importantes que celles de son prédécesseur. Désormais, le chef d'état-major des armées a autorité sur les chefs d'état-major de chacune des trois armées. Il préside, en l'absence du ministre, les comités des chefs d'état-major où sont conçues certaines des grandes décisions militaires qui sont soumises au conseil de défense, ce dernier étant convoqué par le chef de l'État.

Mais, surtout, le général Fourquet dispose de huit divisions chargées de l'assister, avec son cabinet et son quartier général, dans la préparation des forces militaires et dans leur mise en œuvre. Ces pouvoirs sont accrus, cette fois-ci aux dépens des prérogatives reconnues au ministre des Armées (Bulletin officiel des armées de septembre 1968). Ainsi, il est responsable des plans et des études concernant l'organisation générale et l'emploi de la force nucléaire stratégique.

La réorganisation

– Dans le même temps, l'armée de terre se réorganise en cinq divisions du corps de bataille, à trois brigades chacune, dont les effectifs (15 000 hommes) sont allégés par rapport aux types de divisions instaurés en 1959. Trois de ces divisions sont installées en France et groupées dans le 2e corps d'armée, sous le commandement du général Hublot. Les deux autres, réunies dans le 1er corps d'armée, stationnent en Allemagne fédérale, sous l'autorité du général Massu. Il est prévu que ces cinq divisions seront placées sous commandement unique (un général d'armée et son état-major). Cette nouvelle organisation de l'armée de terre est expérimentée, du 13 au 20 mai, lors des manœuvres nationales.

– En décembre 1968, Pierre Messmer dépose sur le bureau de l'Assemblée nationale un projet de loi créant un Conseil supérieur de la fonction militaire. Présidé par le ministre des Armées, ce Conseil est composé, par tirage au sort, d'officiers ou de sous-officiers de carrière ou sous contrat (qui siégeront avec voix délibérative) et de représentants des administrations intéressées ou des retraités militaires (qui auront voix consultative). La compétence du Conseil s'étend à l'examen de toutes questions de caractère général relatives à la condition militaire et au statut des personnels. Par ce moyen, le ministre des Armées entend bénéficier d'une information directe sur le moral des armées, en dehors de la hiérarchie officielle.

– Enfin le gouvernement invite les civils et les militaires à élaborer en commun, dès le temps de paix, les directives qu'ils appliqueront en période de tension. Désormais, la fonction préfectorale aura une hiérarchie comparable à celle de l'armée. Les préfets seront responsables de la défense civile et économique en temps de crise, dans les six zones de défense (Rennes, Lille, Lyon, Bordeaux, Metz et Marseille), dans les circonscriptions d'action régionale et dans chaque département. À Paris, qui bénéficie d'un régime spécial, c'est le préfet de police qui devient préfet de zone.

Programme H

En septembre 1968, dans le Pacifique, 2 charges thermonucléaires explosent, libérant une puissance évaluée à 2,2 et 1 Mt (La mégatonne (Mt) équivaut à 1 million de tonnes de TNT, et la kilotonne (kt) à 1 000 t. La bombe A d'Hiroshima était de 18 kilotonnes.). Le gouvernement a alors le choix entre trois solutions, qui ne s'excluent d'ailleurs pas les unes les autres, pour constituer un armement thermonucléaire.