Roman Polanski se détourne de plus en plus d'une Pologne déjà lointaine pour s'intégrer avec force dans le système américain. Le danger était grand ; Polanski a mille tours dans son sac : Rosemary's baby doit un peu à Hitchcock et beaucoup à Polanski. Le thème est inquiétant à souhait, traité de manière alerte et ambiguë, propre à satisfaire les spectateurs les plus exigeants et les amateurs de suspense.

Parmi les films américains intéressants, il faut également signaler Charly, de Ralph Nelson, et le Lauréat, de Mike Nichols, et surtout des reprises fort attendues, dont celle d'Autant en emporte le vent, qui malheureusement ne convainc plus entièrement malgré les différents traitements esthétiques que la MGM a essayés pour adapter ce chef-d'œuvre classique au goût du jour.

Grande reprise encore : celle du Cirque de Chaplin. La gloire de Chaplin avait besoin de ce chef-d'œuvre pour résister au grignotement cruel auquel se livraient les admirateurs inconditionnels de Buster Keaton, dont nous avons vu cette année encore deux films admirables resurgir de l'oubli : la Croisière du « Navigator » et Fiancées en folie.

Il serait injuste de passer sous silence l'étonnant film de T. Browning, la Monstrueuse Parade (ou Freaks), tourné en 1933. Il a été ressuscité grâce à l'obstination louable de quelques distributeurs cinéphiles.

Grande-Bretagne

Cinq films ont dominé la production britannique : Oliver, du vétéran Carol Reed, une comédie musicale très réussie, d'après le fameux roman de Dickens (à dire vrai, la surprise a été de taille, car on n'attendait plus de miracle d'un réalisateur qui n'avait rien fait d'excellent depuis le trop célèbre Troisième Homme) ; Cérémonie secrète, de Joseph Losey, dans la lignée du Servant, d'Accident et de Boom, qui doit son charme malsain à la mise en scène baroque à souhait du metteur en scène et à l'interprétation de Mia Farrow et Elisabeth Taylor ; Petulia, le meilleur film de Richard Lester.

Deux réussites

Enfin deux œuvres très réussies des anciens jeunes gens en colère, Tony Richardson et Lindsay Andersen. Le premier a tourné un remake féroce et antimilitariste de la Charge de la brigade légère, qui n'a plus rien d'une imagerie d'Epinal pimpante ; le second dans If s'est attaqué au mythe de la respectabilité britannique, critiquant avec une élégance perfide et très wildienne l'éducation des futurs gentlemen dans les public-schools.

Si l'on ajoute à ce remarquable palmarès le psychédélique Yellow Submarine (le Sous-marin jaune), où les Beatles se montrent les dignes successeurs de Lewis Carroll et de Limerick (ce dessin animé est un chef-d'œuvre d'invention, où pour la première fois peut-être la couleur, dans ses fulgurances, crève vraiment l'écran), on peut dire que le cinéma britannique, si souvent brocardé, a pris, cette année, une époustouflante revanche.

Graves inconvénients

Il est, par ailleurs, de plus en plus difficile de distinguer les films britanniques des films américains. Quel est le meilleur critère de jugement ? La nationalité des acteurs ou des metteurs en scène, la provenance des capitaux, le lieu du tournage ?

On s'oriente de plus en plus vers une internationalisation du cinéma, qui présente de grands avantages, mais aussi de graves inconvénients. L'acteur, en endossant une défroque qui ne lui convient pas toujours, risque d'affadir le propos du film : ainsi Annie Girardot semble très mal à l'aise dans Il pleut dans mon village, du Yougoslave Petrović ; Anouk Aimée est emportée par le ridicule contagieux de son partenaire Omar Sharif dans le Rendez-vous, de l'Américain S. Lumet ; l'Anglais David Warner donne de la figure légendaire de Michael Kohlhass une interprétation vraiment peu convaincante dans le film de l'Allemand V. Schloendorff, etc.

Italie

L'Italie marque le pas et l'avenir semble bouché. Jamais on n'avait vu, par exemple, au Festival de Cannes, une sélection italienne aussi scandaleusement médiocre. On sait que Fellini, Visconti et Antonioni ne sont pas restés inactifs, mais leurs films ne seront présentés que la saison prochaine.