Pourtant, en 1967, plus de 370 000 raccordements ont été effectués, et le département télécommunications s'est vu affecter les trois quarts des crédits du ministère des PTT. D'autre part, l'année 1968 aura été marquée par un événement important : la mise en service de deux centraux électroniques, l'un à Lannion, en Bretagne, l'autre à Clamart, près de Paris.

Le central électronique, sur lequel travaillent depuis dix ans les ingénieurs du CNET (Centre national d'études des télécommunications), c'est le central de l'avenir.

Électronique, cela veut dire avant tout entièrement automatique. Plus d'employés pour brancher les abonnés les uns vers les autres. Mais cela signifie aussi la disparition de toutes les pièces mécaniques, de tous les rouages, de tous les éléments mobiles, remplacés par des transistors, des circuits intégrés, des liaisons électroniques.

Avantages évidents

Miniaturisé, le central électronique ne réclame qu'un appartement, alors qu'il faut un immeuble pour loger un central classique. Plus silencieux, réclamant moins de soins, il est 10 000 fois plus rapide.

Le central électronique ne résoudra pas, dans les années qui viennent, les problèmes de ceux qui attendent le téléphone. Mais il ouvre la voie à des améliorations qui devraient apporter aux abonnés des avantages évidents.

Les cadrans actuels sont lents, en raison de l'inertie des pièces qui accomplissent la commutation mécanique. Pour un numéro de sept chiffres, par exemple, il faut quatorze déplacements de la partie mobile du cadran sur la partie fixe. Avec l'électronique, rien ne s'oppose à ce que les cadrans soient remplacés par des claviers dont il suffira d'effleurer les touches pour composer, bien plus rapidement, le numéro d'un correspondant.

La commutation électronique permettra également d'obtenir un certain nombre d'abonnés, ceux que l'on appelle le plus souvent, en composant trois chiffres au lieu de sept, à la seule condition d'avoir préalablement déposé cette liste de correspondants.

Il sera plus facile de prévoir le renvoi automatique des appels d'un poste vers un autre — du lieu de travail vers le domicile de l'abonné, par exemple — ou d'installer sur le récepteur téléphonique un système de secrétariat automatique, sous la forme d'un magnétophone qui enregistre les conversations et répond telle ou telle formule enregistrée à l'avance.

Périclès et Platon

Pour l'instant, il n'est question que d'expérimenter, dans les conditions du trafic réel, les deux premiers centraux électroniques. Le premier a reçu le nom de guerre de Périclès, pour desservir Clamart. Le second a été baptisé Platon : il reliera les zones de développement immobilier et industriel de Lannion et de Perros-Guirec.

L'opération a pour but d'étudier dans le détail l'organisation, à l'échelon d'une région, d'un système moderne de télécommunications.

Pour cela, les ingénieurs du CNET vont expérimenter deux principes. Le premier consiste à utiliser pour chaque conversation téléphonique une voie particulière, comme cela se fait sur les circuits classiques. C'est ce qu'ils appellent la commutation spatiale. Dans le central électronique, l'acheminement de ces conversations est assuré par un ordinateur qui donne à l'ensemble une rentabilité exceptionnelle et permet d'utiliser pleinement les ressources du réseau.

Mais il existe une autre possibilité, bien plus extraordinaire : la commutation temporelle, où l'ordinateur, cette fois, joue un rôle irremplaçable. Elle consiste à partager la même voie, le même circuit, entre plusieurs abonnés, les uns venant s'intercaler dans les temps morts des conversations des autres.

Dans les « blancs »

Des expériences menées depuis plusieurs années au CNET ont prouvé que lorsque nous parlons au téléphone il existe toujours des blancs, des silences entre les phrases, entre les mots, entre les questions et les réponses.

D'où l'idée d'utiliser ces blancs pour y placer les paroles d'autres conversations. L'appareil qui permet ce tour de force s'appelle le CELTIC — ce qui signifie concentrateur exploitant les temps d'inoccupation des circuits. Il est déjà utilisé sur quelques liaisons automatiques entre Paris et Marseille, et sur des lignes transatlantiques.