Quelques mois auparavant, un ordinateur séparateur de cellules sanguines en débit continu avait été mis en service à Villejuif, à l'Institut de cancérologie et d'immuno-génétique. Inventé par Georges T. Judson, ingénieur IBM, cet appareil, dont quatre exemplaires seulement fonctionnent dans le monde, apporte un grand progrès dans l'utilisation du sang à des fins thérapeutiques. Pour l'isolement des lymphocytes destinés au traitement des leucémies, par exemple, un seul donneur suffit là où, autrefois, il en fallait 60. Avec ce séparateur, l'opération est dénuée de danger pour le donneur, puisque 400 cm3 de sang seulement sont détournés à chaque passage dans la machine et remis aussitôt dans la circulation sanguine, les lymphocytes utiles seuls ayant été prélevés, tout cela de manière totalement aseptique. De plus, la machine est capable de détecter le moindre incident, une obturation de canalisation par exemple, et de le corriger automatiquement.

Cancer : nouveaux progrès thérapeutiques

L'étude systématique des chromosomes, ces filaments qui, au cœur de la cellule, portent les molécules assurant le développement des caractères héréditaires de l'individu, semble de plus en plus devoir apporter une contribution importante au diagnostic de certaines formes de cancer (Journal de l'année 1966-67).

Les professeurs Nowel et Hungerford (Philadelphie, USA), en 1965, révélaient la présence, dans les cellules de la moelle de malades atteints de leucémie myéloïde chronique, d'un des deux chromosomes de la 21e paire amputé de la moitié de ses deux grands bras. Depuis, ce petit manchot, appelé Philadelphie, a fait l'objet d'observations minutieuses, qui, cette année, ont permis de le classer comme élément de diagnostic spécifique de cette maladie.

Présent dans près de 100 % des cas, il permet de distinguer, sans erreur possible, la leucémie myéloïde chronique d'autres formes de leucémie, fait capital pour la conduite du traitement, qui diffère pour chacune d'elles.

Une découverte capitale, présentée par le docteur J. W. Gofman, directeur adjoint du Laboratoire Lawrence Radiation (Berkeley), à l'occasion du vingtième anniversaire du Centre de recherche de l'Oklahoma, va peut-être faire entrer certaines formes de cancer dans le cadre des maladies chromosomiques.

Équilibre rompu

L'équipe de ce laboratoire a mis en évidence une augmentation du nombre de chromosomes E 16 allant de 50 à 300 % selon le type de cancer. Ces taux de chromosomes E 16 sont « notablement élevés », même en tenant compte du fait que les cellules cancéreuses ont toujours un excès du nombre total de chromosomes. Autre fait intéressant : l'augmentation des chromosomes E 16 présente une variation caractéristique en fonction de chaque forme de cancer.

Le déséquilibre chromosomique pourrait être initialement provoqué par des agents chimiques, par des radiations, par un virus, ou par des accidents survenant au cours de la division cellulaire. Le déséquilibre étant constitué, la cellule produirait alors certaines enzymes en quantité anormale. Il s'ensuivrait des erreurs dans la synthèse des protéines, qui empêcheraient le contrôle normal de la multiplication cellulaire, laquelle deviendrait anarchique. Les cellules mères, en se divisant, transmettraient leur déséquilibre chromosomique aux cellules filles, perpétuant ainsi le cancer.

Procédés de dépistage

Si cette théorie, reprise de celle qu'émit en 1902 l'embryologiste allemand Theodor Boveri, se confirmait, il deviendrait non seulement possible de dépister précocement le cancer, mais même de l'atteindre à son niveau le plus primitif, en corrigeant le déséquilibre chromosomique par une intervention sur la biochimie cellulaire.

Autre acquisition diagnostique, le dépistage précoce du cancer de la cavité buccale, grâce à un nouveau colorant, l'acriflavine, selon une méthode mise au point au Centre médical de l'université de New York, par les docteurs Daniel Roth Morris London, Donald T. Frederikson et Abraham Oppenheim.

L'acriflavine a deux propriétés : elle produit une fluorescence élevée, susceptible d'être mesurée par des instruments courants de fluorométrie ; elle se fixe électivement sur une molécule de la cellule dont l'excès serait un signe de cancer.