Dans les bases françaises — une antarctique, Dumont-d'Urville (terre Adélie) ; trois subantarctiques, Port-aux-Français (Kerguelen), La Roche-Godon (Nouvelle-Amsterdam) et Port-Alfred (Crozet) — on poursuit les travaux d'aménagement : nouvelle centrale électrique à Port-aux-Français, dépôt de carburant en vrac à Port-Alfred, laboratoire des rayons cosmiques à Dumont-d'Urville.

La première grève

C'est aux Kerguelen que se sont produits les deux événements majeurs : la première grève et le lancement de trois fusées-sondes. Les chercheurs et techniciens du Groupe de recherche ionosphérique (GRI), venus à Port-aux-Français pour le lancement des fusées, se sont mis en grève pour obtenir le relèvement des frais de mission qui leur sont payés par le CNRS.

Les trois fusées Dragon ont été lancées avec succès les 15 mars, 26 mars et 1er avril. L'an dernier, la France avait lancé de la terre Adélie les premières fusées-sondes de l'Antarctique (Journal de l'année 1966-67).

Centre spatial de Kourou, en Guyane

Le centre spatial de Kourou, en Guyane (CSG), servira de base de départ non seulement aux fusées françaises, mais aussi aux fusées européennes de l'ELDO. La réalisation d'une oeuvre aussi vaste s'est étalée sur plusieurs années ; 1968 a vu se terminer les premières installations et entrer en fonctionnement les premiers services avec le lancement des premières fusées.

Le mieux situé du monde

Après la perte d'Hammaguir, le gouvernement a décidé de séparer les champs de tir militaires et civils : les fusées militaires seront lancées des Landes, les civiles de Guyane.

La Guyane, en effet, présente des conditions géographiques très favorables : 3 500 km de côtes peu fréquentées vers l'est, le sens qui permet de profiter de l'impulsion donnée par la rotation terrestre, de même qu'une situation quasi équatoriale, qui donne sa valeur maximale à cette impulsion et qui, surtout, permet de placer directement les satellites autour de l'équateur, sans avoir à changer, après la mise en orbite, le plan de leurs révolutions. Kourou est le cosmodrome le mieux situé du monde.

Du point de vue humain, les avantages ne sont pas moindres ; d'abord une des densités de population les plus faibles du globe : 0,4 habitant par km2 ; une concentration en deux villes et quelques villages, les côtes étant quasi inhabitées sur de grandes longueurs. Enfin, un pays qui, département français, avait besoin d'une entreprise permettant son démarrage économique.

On ne tire encore du CSG que des fusées-sondes atmosphériques ; la première (le 9 avril 1968) a eu comme rôle d'éprouver le bon fonctionnement de l'organisation prévue pour retrouver en mer les équipements scientifiques des fusées.

Les installations sont au nord-est de Cayenne, à 40 km à vol d'oiseau ; par la route, 50 km, avec deux bacs. Dès l'automne 1968, grâce à de nouveaux ponts, une route plus directe sera construite. Ainsi est-on près de la capitale et de son aérodrome, tout en disposant d'immenses terrains quasi déserts : le Centre national d'études spatiales a taillé sur la carte une surface de 30 km en front de mer sur 10 km de profondeur. Le Kourou, fleuve côtier, permet aux cargos d'apporter directement de France le matériel lourd.

La construction d'un appontement pour bateaux de 1 000 t fut le premier travail accompli dès 1966. Des maisons préfabriquées amorçaient en même temps la ville nouvelle.

Aujourd'hui, de nombreux immeubles et des villas sont habités. Un hôtel de 40 chambres est ouvert depuis novembre 1967. Un autre, de luxe, sur une plage très océanienne, s'ouvre cet automne. La ville compte déjà 5 000 personnes.

Stations de repérage

La partie destinée à l'ELDO démarre maintenant. Cette ville, une fois créée par le CNES, sera une cité totalement libre, sans nulle vocation technique. Ses habitants ne redeviendront ingénieurs, savants, techniciens qu'en allant travailler au Centre technique, à 6 km, où le gros œuvre est achevé et où commence le montage des nombreux appareillages ; ou bien au terrain de lancement des fusées-sondes, complètement terminé, à 12 km ; ou encore à celui des fusées Diamant, qui est en plein chantier ; peut-être à la météo, qui fonctionne depuis début 1968 ; ou enfin aux stations de repérage et d'écoute des satellites en fonctionnement à 22 km depuis fin 1967. Tout cela, en bordure de la forêt partout largement ouverte, où la nature redevient vierge.

Géophysique

Un séisme hors série dont l'homme est responsable

Tout au long de ces douze mois, la terre a tremblé ici où là. Le plus souvent, heureusement, ces séismes n'ont causé que peu de dégâts. Quelques-uns, cependant, ont été graves. Le nombre de morts n'a pas été très élevé si on compare les chiffres des victimes avec ceux des années antérieures. Mais les destructions ont été importantes, entraînant une misère d'autant plus grande que, souvent, les zones touchées par ces catastrophes figurent parmi les régions pauvres de la planète.