En astrophysique, les découvertes d'objets nouveaux — étoiles à rayonnement X ou infrarouge, radiosources intermittentes — s'accumulent, sans souci des prévisions théoriques, de sorte qu'elles posent plus de problèmes qu'elles n'en résolvent. L'énigme des quasars, loin de s'éclaircir, suscite une floraison d'hypothèses, parfois fantastiques. Pour les astronomes américains Petrosian et Salpeter, l'Univers joue le rôle d'une lentille géante multipliant par réflexion et réfraction des images fantômes de sources lumineuses éloignées dans l'espace, quasars ou galaxies. Ces objets seraient ainsi moins nombreux qu'ils n'apparaissent aux observateurs terrestres, et divers problèmes de cosmologie se trouveraient simplifiés.

Débordement d'imagination

En regard de telles spéculations, bien modestes semblent les tentatives d'expliquer le décalage vers le rouge du spectre d'objets très lointains par des phénomènes physiques autres que le classique effet Doppler-Fizeau. L'éloignement de ces objets dans l'espace, leur vitesse de fuite et, pour certains d'entre eux, l'intensité de leur rayonnement se verraient attribuer, dès lors, des valeurs bien moins élevées que celles sur lesquelles butent les astrophysiciens. Un autre exemple des débordements d'imagination qui s'emparent de nombreux scientifiques est fourni par les hypothèses que propose, entre autres, le physicien russo-américain Gamow : l'unité de charge électrique et la constante de gravitation varieraient avec le temps, depuis l'origine de l'Univers !

L'effort théorique appelle un effort pour la construction de nouveaux instruments d'observation. En astronomie optique, la Grande-Bretagne et l'Australie préparent en commun un télescope de 380 cm, la France un télescope de 350 cm. Le miroir de silice de 380 cm de l'observatoire européen dans l'hémisphère Sud est fondu. Les Soviétiques construisent un télescope de plus de 6 m de diamètre. En radio-astronomie, un peu partout, on complète et on renforce les installations existantes.

Efforts et conquêtes

Si l'esprit humain ne se prive pas de lancer des coups de sonde hardis dans les profondeurs de l'espace et du temps, la conquête pratique de l'espace interplanétaire par l'homme donne peut-être l'impression d'un certain piétinement. Sans doute l'émerveillement suscité par les débuts de l'ère spatiale s'est-il émoussé. La première décennie s'est close sur des accidents mortels, et les derniers mois n'ont plus connu de vols d'engins habités. Mais on se tromperait à coup sûr en pensant que les responsables de l'aventure spatiale sont le moins du monde tentés de renoncer à leurs desseins, ou même que leur accomplissement marque un temps d'arrêt. Le lancement de satellites géodésiques, météorologiques, astronomiques, militaires, de télécommunications témoigne que la maîtrise de l'environnement terrestre est largement entrée dans le champ des applications. La phase préliminaire de l'exploration du sol lunaire est achevée.

L'exploration de la matière

Le développement de la physique fondamentale incite dans l'immédiat à moins d'optimisme, au moins pour la recherche en Europe. À la fin du mois du juin on apprend que la Grande-Bretagne renonce officiellement à participer à la réalisation du grand accélérateur européen de 300 GeV (milliards d'électron-volts). Les défenseurs du projet espèrent qu'avec l'appui de la France, le CERN prendra une position de repli, en se rabattant sur une machine de puissance intermédiaire, qui serait complétée plus tard — peut-être le jour où la Grande-Bretagne serait en mesure de revenir sur sa décision. Mais, en France même, le comité consultatif, chargé par le gouvernement d'un rapport sur les dépenses de la recherche, a estimé que la part donnée à la physique des hautes énergies, déjà très élevée, ne devait plus être augmentée.

La possibilité de pousser plus avant l'exploration de la matière est absolument liée à la construction d'accélérateurs de particules de plus en plus puissants, donc de plus en plus coûteux. Dans cette branche de la recherche, qui ne comporte pas d'implications militaires, ni même, dans l'immédiat, d'applications pratiques, les budgets nationaux s'ouvrent moins aisément que pour la construction des fusées. L'URSS vient de prendre provisoirement la tête avec la machine de 70 GeV qui entre en service à Serpoukhov. Les États-Unis s'apprêtent à construire un accélérateur de 200 GeV, ultérieurement renforcé à 400 GeV.

Le retard technologique

Au cours de ces prochaines années, les jeunes physiciens européens seront nécessairement attirés vers les instituts de recherche d'outre-Atlantique. C'est une des formes du gap technologique, de l'écart croissant entre l'Europe et les États-Unis, dont il a été beaucoup question au cours de ces derniers mois, en même temps que du brain drain, de la traite des cerveaux au profit des laboratoires des États-Unis.