La centaine de tableaux choisis par le colonel et Mme Garbisch dans leur immense collection, pour les faire circuler en Europe, montrait, en fait, la naissance d'un art proprement américain.

Il faut, en effet, s'entendre sur ce terme de naïfs de cette exposition. Le catalogue américain portait le titre : American primitive paintings ; primitive voulant dire première. Et voilà bien de quoi il s'agit.

Au xviiie siècle, lorsque commence cette peinture naïve qui s'épanouit après la guerre d'Indépendance, il existe naturellement des peintres en Amérique. Mais ils sont venus d'Europe, et ils font avec plus ou moins de bonheur un art semblable à celui qui se pratiquait sur le vieux continent.

Tandis que ces artistes, ceux qui étaient exposés au Grand Palais, autodidactes, ignorants des règles, poussés par leur propre besoin de peindre ou sollicités par des clients désireux de conserver l'image d'êtres chers, ou d'orner leurs maisons, redécouvraient, eux, la peinture par leurs propres moyens, naïfs dans leur forme d'expression, bien entendu, mais pionniers aussi (ce que ne sauraient être les naïfs de chez nous, à la manière du Douanier Rousseau, qui s'en allait copier les maîtres au Louvre).

Exerçant presque toujours un métier artisanal, restés anonymes pour la plupart, ces premiers peintres étaient tous d'origine populaire, plongés dans la vie quotidienne. Ils ont tout naturellement laissé des images de la vie américaine de tous les jours, réalistes ou, parfois, symboliques, comme cette confrontation de la machine à vapeur et du cheval sauvage.

Ils ont peint aussi, et surtout, une grande quantité de portraits. Non pas des portraits mondains, mais des portraits d'une vérité implacable, où se lisent les caractéristiques sociales et personnelles des modèles.

Magnelli
(musée national d'Art moderne, Paris, 28 février - 21 avril 1968)

Alberto Magnelli, Florentin fixé en France depuis 1931, est considéré comme un des maîtres de l'art abstrait. Pour ses 80 ans (le 1er juillet 1968), le musée d'Art moderne a voulu marquer cet anniversaire. Avec quelques mois d'avance, on a réuni près de 200 de ses œuvres.

Magnelli, d'abord révérencieux envers le réel, l'interprète, simplifiant et accusant les volumes, recevant ainsi la leçon des cubistes et des fauves. Il connaît une première période abstraite vers 1915, puis il y a chez lui un retour au réel.

En 1933, il trouve réellement son chemin de Damas avec ses Pierres éclatées, inspirées par des blocs de marbre.

Depuis, il ne cesse de chercher et d'inventer des formes d'une rigueur géométrique, en corrigeant la froideur de ses compositions par un jeu subtil de couleurs. Une certaine impression de sérénité se dégage de son œuvre, ainsi présentée dans sa continuité.

L'Europe gothique, XIIe-XIVe siècle
(pavillon de Flore, 2 avril - 26 août)

L'un des événements de la saison artistique parisienne a été sans doute la XIIe exposition du Conseil de l'Europe. Réunissant quelque 550 pièces, elle a présenté des sculptures, des peintures, des vitraux, des manuscrits, des objets d'art, de l'orfèvrerie, des tissus venus de 12 pays européens. L'architecture, expression majeure du gothique, a été évoquée par des agrandissements photographiques.

Ce très remarquable ensemble constitue un parfait résumé du style qui est né et s'est épanoui en France, gagnant ensuite tout le continent. L'exposition insistait donc naturellement sur les œuvres françaises.

De ses origines à son épanouissement, puis son abâtardissement dans le style international, du milieu du xiie siècle à la fin du xive, on suit tout le développement du gothique et les formes particulières qu'il a prises selon les pays.

La confrontation des pièces d'origines fort diverses est un des intérêts majeurs de l'exposition du pavillon de Flore. De même, la comparaison entre les différents modes d'expression et les influences réciproques ; la miniature sur le vitrail, l'architecture sur les châsses d'orfèvrerie. Pierre Pradel, assisté de Jean Taralon, avait prévu pour ce rassemblement d'œuvres insignes une présentation chronologique, mais sans cloisonnements par genres ou par pays ; exception faite de la plupart des œuvres italiennes, groupées dans trois salles. En effet, l'Italie, touchée par l'art gothique, regarde toujours vers l'Antiquité classique.