Journal de l'année Édition 1968 1968Éd. 1968

Khe Sanh ne sera pas la bataille décisive. Le samedi 27 janvier, la trêve du Têt décidée par le FNL commence à 1 heure du matin. Elle doit durer sept jours, mais les Américains ont décidé qu'ils ne la respecteraient que durant deux jours et en excluent la zone démilitarisée.

Nul ne prévoit l'offensive qui se prépare ; au contraire, beaucoup de soldats américains et sud-vietnamiens sont en permission. Nul n'a remarqué que les mois précédents étaient peut-être une série de répétitions générales.

Effet de surprise total : le Viêt-cong et les Nord-Vietnamiens lancent une attaque généralisée. Dans la nuit du lundi 29 au mardi 30 janvier, les plus grosses agglomérations du Viêt-nam du Sud, à l'exception de Saigon, de Bien Hoa et de la zone du delta, se trouvent soudain investies et occupées par les maquisards ou les Nord-Vietnamiens. Plei Ku, Nha Trang, Qui Nhon, Kon Tum, Da Nang et Hué, qui, jusque-là, n'avaient connu que des raids, des harcèlements ou des attentats, passent entre les mains des forces du FNL.

Seconde vague d'assaut

Pour certaines de ces cités, ce ne sera que pour quelques heures ; pour d'autres, ce sera pour plusieurs jours. Le choc passé, des combats s engagent : combats de rues, de maison à maison, combats auxquels les forces gouvernementales et américaines sont, le plus souvent, mal préparées.

Au soir du 30 janvier, le commandement américain peut espérer reprendre l'initiative des opérations. L'attaque vietcong, malgré son importance, lui semble encore ressembler à celle qui avait été lancée, quelques semaines plus tôt, contre trois capitales provinciales. Les Américains se demandent s'il ne s'agit pas d'un piège, d'une manœuvre de diversion pour les obliger à découvrir Khe Sanh. C'est alors que surgit la seconde vague d'assaut à Saigon même, jusque-là épargnée.

Dans la nuit du 30 au 31 janvier, des commandos vietcongs, venus à pied, à bicyclette, ou plus simplement par les transports en commun, pénètrent dans la capitale et attaquent en même temps cinq points stratégiques : l'ambassade américaine, le quartier général de la marine sud-vietnamienne, le palais gouvernemental, la radio et l'aérodrome international de Tan Son Nhut.

C'est la nuit sanglante. Le bâtiment de l'ambassade, véritable forteresse, construit sans fenêtres pour décourager toute attaque, est en partie occupée par un commando d'une vingtaine d'hommes. Ce n'est qu'après plus de six heures de lutte que les parachutistes américains en reprennent possession.

Le terrain perdu

Ailleurs, le Viêt-cong résiste. Pendant deux jours, la capitale sud-vietnamienne partage le sort du reste du pays : la guerre, avec les cadavres dans les rues, les exécutions sommaires, l'insécurité totale, les hôpitaux bondés, la disette, les risques d'épidémies et les réfugiés, qui sont comptés par centaines de milliers. En deux jours, on dénombre près de 6 000 morts : 4 959 Viêt-congs, 300 Sud-Vietnamiens et 232 Américains.

Le 18 février, le Viêt-cong lance une nouvelle offensive contre Saigon et 46 autres agglomérations. Elle échoue à moitié. L'effet de surprise n'a pas joué, la riposte a été rapide ; mais la seconde offensive manifeste que les maquisards ont, en dépit de leurs pertes, des réserves importantes. Le 4 mars encore, le Viêt-cong déclenche une attaque à travers tout le territoire : au total, 12 bases ou camps, 4 chefs-lieux de province et de nombreux villages sont la cible du FNL.

Ce mois de février 1968 restera sans doute dans les annales de cette guerre comme le mois décisif. C'est le mois noir des Américains. Nulle part, ils n'attaquent ; partout, ils doivent se défendre et tentent de récupérer le terrain perdu, c'est-à-dire gagné par le Viêt-cong en quarante-huit heures. Celui-ci attaque, harcèle, manœuvre, disparaît, resurgit, disparaît à nouveau. Il est partout et nulle part. C'est la guerre révolutionnaire et la guerre classique mêlées.

Le FNL et les Nord-Vietnamiens ont concentré leurs efforts sur trois villes. Ce sont les batailles de Saigon, de Khe Sanh et de Hué.

La bataille de Saigon

Après de durs combats, les Américains délogent les guérilleros des points stratégiques qu'ils ont occupés. Ceux-ci se réfugient dans certains quartiers et notamment à Cholon, le quartier chinois de la capitale, où ils bénéficient de la complicité active ou silencieuse de la population. Les blindés et l'aviation interviennent. Peu à peu, la ville est nettoyée. Mais la menace demeure.