Journal de l'année Édition 1968 1968Éd. 1968

Les jours suivants, Hanoi précise cette attitude « ouverte ». Ces pourparlers, disent les Nord-Vietnamiens, s'ouvriront aussitôt l'arrêt des raids constaté. Ils se déclarent également prêts à discuter de tout, répondant ainsi à l'exigence du président Johnson de conversations fructueuses. En revanche, ils se refusent à accepter une quelconque condition pour un arrêt des raids. Pour eux, ce serait admettre que ces bombardements sont justifiés, alors qu'ils les ont toujours dénoncés comme des actes de piraterie.

Devant cette offensive de paix, les Américains restent réticents. Ils reconnaissent les concessions nord-vietnamiennes, mais les jugent insuffisantes. Pour eux, l'arrêt des raids ne saurait être décidé sans une contrepartie : l'engagement d'Hanoi de ne pas aider le Viêt-cong. Le nouveau ministre de la Défense américain apporte cependant à ce sujet une précision qui est une concession : l'arrêt des raids est possible, à condition que Hanoi s'engage à ne pas dépasser le niveau actuel de son aide.

L'arrêt des raids

Ainsi les deux adversaires se sont rapprochés, mais entre eux le fossé reste profond. C'est alors qu'éclate la bombe Johnson. Le dimanche 31 mars au soir, dans un discours au peuple américain, le président annonce :
– Qu'il ordonne un arrêt partiel des raids contre le Viêt-nam du Nord (les raids, apprendra-t-on plus tard, ne dépasseront pas le 20e parallèle) ;
– Qu'il est prêt à engager des pourparlers préliminaires de paix avec le Viêt-nam du Nord « n'importe où, n'importe quand » ;
– Qu'il ne sollicitera pas un renouvellement de son mandat à la Maison-Blanche, voulant se consacrer à la solution du problème vietnamien.

Le discours du président Johnson produit un choc psychologique considérable. Pour la première fois, on a le sentiment que le mécanisme de la paix peut s'engager. Les événements vont se précipiter. Le 3 avril, le gouvernement de Hanoi annonce qu'il se déclare prêt à désigner un représentant pour « déterminer avec les États-Unis l'arrêt des bombardements contre le Viêt-nam du Nord ».

Johnson accepte l'offre d'Hanoi pour l'établissement de contacts entre les représentants des deux pays afin de trouver une base de négociation. Mais ni la date ni surtout le lieu ne sont fixés. Les villes successives proposées par chacun des partenaires ne conviennent pas à l'autre. Le 3 mai, les adversaires se mettent d'accord sur Paris, capitale proposée le 23 avril par Thant, secrétaire général de l'ONU.

Le tapis vert

Un nouvel élément positif est donné alors par Hanoi, qui propose non seulement de déterminer avec les États-Unis la date de l'arrêt complet et inconditionnel des raids, mais aussi, dans un second temps, les « conversations officielles » proprement dites, destinées à régler le problème vietnamien.

Les négociations s'engagent donc officiellement le 13 mai. Le monde entier espère qu'elles aboutiront rapidement ; les deux adversaires semblent depuis plus d'un mois prêts à prendre les moyens de terminer la guerre. En réalité, presque tout de suite les conversations tournent au dialogue de sourds. Chaque exposé de Xuan Thuy se termine inlassablement par un appel pour un arrêt inconditionnel des raids et souligne qu'il est urgent de fixer la date de cet arrêt. Harriman, de son côté, se déclare prêt à en discuter « en même temps que des autres questions qui s'y rapportent », ce qui revient à demander une réciprocité qu'Hanoi refuse.

L'arrivée à Paris, début juin, de Le Duc Tho, l'un des conseillers de Hô Chi Minh, laisse penser qu'un déblocage de la négociation est en vue. Mais, à la fin du mois de juin, c'est surtout la situation sur le terrain qui pèse sur les discussions.

Le harcèlement de Saigon par le FNL et l'accroissement de l'aide nord-vietnamienne au Viêt-cong inquiètent les Américains.

De nombreux observateurs estiment que les Nord-Vietnamiens mettent ainsi deux atouts nouveaux dans leur jeu, deux éléments de discussion susceptibles de se transformer en éléments de concession qui ne leur coûteraient pas très cher.

Les opérations militaires

L'année 1966-67 a été celle des Américains ; l'année 1967-68 est celle du Viêt-cong et des Nord-Vietnamiens. La première a résonné de vastes opérations lancées par le commandement américain avec des dizaines de milliers d'hommes, la seconde ne parle d'abord que de harcèlements, d'embuscades, d'attaques de bases, d'occupations de villes.